Vous n’aurez pas les enfants, ils seront 108 à échapper à Auschwitz

Ils ont échappés aux camps de la mort. 108 enfants juifs du camp de triage de Vénissieux en août 1942 vont être volontairement séparés de leurs parents qui eux savent qu’ils vont mourir. Vous n’aurez pas les enfants est un récit d’une grande tristesse même si on se réjouit de ces vies sauvées. Triste car c’est la médiocrité d’une majorité qui a été vaincue pour sauver ces gosses par le courage d’une minorité. Pire encore ces sont des Français qui ont déportés à Lyon, qui ont mis en place les rafles, la police, la gendarmerie, les gratte-papiers des préfectures (pas qu’à Lyon) « obéit aux ordres » (on entendra la même phrase à Nuremberg) d’un Laval haïssable qui sera fusillé et d’un Pétain vieillard cacochyme. Mais il n’y avait pas qu’eux. Des intermédiaires zélés (dont beaucoup s’en sont tirés) qui en on fait plus que ce que demandaient les Allemands. Aujourd’hui si la situation le demandait  d’autres referaient la même chose et des héros ordinaires eux-aussi se manifesteraient, seraient solidaires. Vous n’aurez pas les enfants d’Arnaud Le Gouëfflec et Olivier Balez d’après le remarquable travail de Valérie Portheret met les larmes aux yeux, tout en étant absolument nécessaire. On parle du travail de mémoire. On devrait parler de transmission de la mémoire, c’est là notre rôle alors que des démons ressurgissent, sont même aux commandes de pays ou en passe de l’être. 1933, 1936, 1939, ne jamais penser que l’Histoire ne peut pas se remettre à dérailler en 2025.

OSE, Oeuvre de secours aux enfants juifs, la MOI, Main d’oeuvre indigène, l’Amitié chrétienne, Cimade comité intermouvements auprès des évacués, ils sont tous là en ouverture de l’album. Pas que des gentils car il y a aussi les représentants de la préfecture de la région de Lyon, Bousquet, Marchais, Angeli, Cornier crétin administratif, Cussonac. Des ordures. Mais il y aura le rabbin Jacob Kaplan qui a assisté au départ d’un train chargé de Juifs dans des wagons à bestiaux. On sait en 1942 que la déportation pour les Juifs c’est la mort. Le 2 juillet 1942 le gouvernement de Vichy dirigé par Laval livre aux Allemands 22 000 juifs étrangers de la zone occupée, 10 000 de la zone libre du Sud. En prime il offre les gosses. L’abbé Alexandre Glasberg apprend qu’après le Vel’d’Hiv on va rafler à Lyon les juifs étrangers. Angeli le préfet sera aux commandes. Mais dans toute décision administrative il y a une faille si on la cherche bien. Vichy est obsédée par l’administration, un état dans l’état qui survit à tout. Le cardinal Pierre Gerlier est lui aussi prêt à tout pour sauver des vies. Toutes les organisations citées plus haut se mobilisent. Il y a des exemptions prévues, Glasberg les a épluchées. Les enfants de moins de 18 ans non accompagnés sont concernés. Et à partir de là se met en place un réseau qui va tout faire en demandant entre autres à des parents de déléguer leur paternité, l’impensable va sauver des vies et être malgré tout un déchirement impitoyable.

On est tenu en haleine à chaque page par cette course éperdue vers la vie malgré la folie ambiante. La solidarité est exemplaire. Sur les 108 enfants, 3 sont repris et meurent à Auschwitz. Les autres sont cachés. 70 adultes seront aussi sauvés. Il aura fallu 25 ans de recherche à l’historienne Valérie Portheret pour retrouver des témoins, reconstituer ce sauvetage incroyable et on ne peut que la remercier. Comme Balez et Le Gouëfflec d’avoir su le mettre en images de façon précise, concise, en faire vivre joies et angoisses, drames et horreur. Il faut lire la postface de Valérie Portheret. Le tout est incontournable.

Vous n’aurez pas les enfants, Glénat, 24 €

 

 

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