La Longue marche des éléphants, le Laos millénaire

Le Laos est le pays du Million d’éléphants. Sur son drapeau, avant le régime communiste, figuraient trois éléphants, face et profil. L’éléphant est un peu l’animal à tout faire d’un pays qui l’a toujours utilisé et aussi respecté. Domestiques ou sauvages, l’éléphant d’Asie pourrait bientôt disparaître. En 2015 le Centre de conservation de l’éléphant au Laos a organisé une longue marche sur 500 km entre les provinces de Sayaboury et Luang Prabang. Comme témoins, embarqués dans cette extraordinaire aventure, Nicolas Dumontheuil et Troubs. Et à la sortie un album d’une rare spontanéité, passionnant, avec chacun leur vision de ce périple dont l’éléphant, animal perspicace et attachant, était le roi.

La Longue marche des éléphantsC’est Nicolas Dumontheuil qui ouvre la piste. On est à l’arrivée de la longue marche à Luang Prabang, ancienne capitale royale du Laos, aux allures de sous-préfecture française des années quarante. Sur le fronton du palais les trois éléphants de l’emblème laotien y figurent encore. Deux mois que les éléphants et leurs accompagnateurs marchent. C’est le temps des souvenirs, des éléphants qui sortent de la brume après la nuit à dormir dans la forêt. 40 000 éléphants il y a un siècle, 1000 aujourd’hui. Le Centre de conservation se bat au Laos et a organisé cette caravane pour aussi valoriser ceux qui en sont indissociables, les cornacs dont le savoir ancestral disparaît lui aussi. Anabel, Guillaume, sous l’œil préhistorique de l’éléphant, ne sont pas là pour une balade touristique. Dumontheuil, note, enregistre les images dans sa tête. Il dessinera plus tard ces instants d’une rare beauté scandés par des pauses dans les villages où les pachydermes sont reçus comme des rois.

Troubs prendra le relais mais va se pencher d’avantage sur le travail du Centre à Sayaboury et sur ses créateurs, des Français. Ils expliquent comment au Laos appauvri les éléphants sont devenus des machines et les cornacs de modestes ouvriers agricoles. Le Centre fait tout pour qu’animaux et cornacs puissent continuer à vivre dignement ensemble. Ils veulent sauver une culture et c’est ce que Troubs dans sa narration met en avant. Description du quotidien de l’éléphant domestique ou sauvage avec les bienfaits dans la jungle de l’animal qui y a fait pistes naturelles ou a creusé des trous d’eau. Mais désormais les éléphants ne peuvent survivre sans l’aide des hommes.

Deux témoignages qui se complètent absolument et forment une somme passionnante sur cet éléphant qui a, pour la plupart, marqué nos enfances certes à travers des personnages édulcorés comme Babar ou Dumbo, ce qui n’est pas cependant un hasard. On est ému, impressionné, détendu, apaisé par l’éléphant, son calme (on se méfie quand même). Les voir dans leur milieu naturel au Laos est une grande chance, on peut en témoigner. Marcher avec eux comme Dumontheuil et Troubs est une expérience unique que les deux auteurs ont su restituer avec talent, émotion et authenticité, humour. On apprend beaucoup grâce à eux. La Longue marche des éléphants est un livre précieux, sans fioritures et interpelle sur l’aide nécessaire à apporter au Centre de conservation pour sauver cette si belle espèce mythique comme beaucoup d’autres en voie de disparition.

La Longue marche des éléphants, Futuropolis, 18 €

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