Carletti, voyageur impénitent

Un voyageur impénitent mais dont les pas sont guidés par le hasard, à une époque où traverser les océans relevait soit de l’exploit, soit du suicide, Francesco Carletti était en avance sur son temps. On est à la fin du XVIe siècle, pas très loin des tribulations de Colomb ou Magellan. Déjà on crée des comptoirs, on trafique les esclaves, on tente d’avoir des monopoles. En retraçant le tour du monde de Carletti, Giorgio Albertini (Alix T39, Chronosquad) a mis en images des aventures hors du commun, non préméditées. Commerçant florentin, sans expérience, formé en Espagne il va former avec son père un duo ouvert vers les autres, curieux et bonhomme même si l’argent est la clé du périple. On les suit à la trace avec plaisir, étonnement et sympathie en apprenant énormément sur ce qui est déjà la mondialisation après Marco Polo, autre voyageur iconique, qui s’était limité à l’Europe et la Chine.

Un voyageur moderne

C’est presque le début de la fin pour Carletti en 1602 à Sainte-Hélène. Son galion est chargé de richesses mais trois vaisseaux hollandais sont dans le port. Il doit obéir et jeter l’ancre, attendre une visite qui pourrait bien être un piège. Du galion un marin ouvre le feu. Tout va alors déraper. Carletti se souvient comment et pourquoi il est parti de Florence en 1591, début de son journal. Direction Séville pour apprendre le métier de marchand ou l’art du commerce. Deux ans après son père le rejoint pour partir au Cap Vert acheter des esclaves. Afin de dissimuler leur objectif le père se fait enrôler comme marin et confie à son fils des lettres de change. Ils passent les contrôles espagnols soucieux de toute concurrence potentielle.

Esclaves que Carletti regrettera d’avoir acheté car homme libre avant tout, épices, soies, cacao, poivre, on en passe. Du Cap Vert à la Colombie, le Pérou, le Mexique, Manille, le Japon où il se marie, la Chine, Ceylan pour finalement mal terminer son incroyable périple, il perdra ses biens et passera prisonnier trois ans en Hollande. Francesco Carletti est moderne à plus d’un titre, réfute l’esclavage mais les grandes routes maritimes sont déjà sous autorité partagée, Hollande, Espagne. Une part de romanesque et beaucoup d’Histoire, très bien et pointilleusement dessiné, ce journal de voyage est passionnant.

Carletti, un voyageur moderne, Casterman, 25 €

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