La bibliomule de Cordoue, pouvoir ou savoir

Une drôle d’histoire que cette mule devenue une bibliothèque ambulante. Une balade savoureuse, au Xe siècle à Cordou où on a une fâcheuse tendance à brûler les livres et où un Iznogoud local prend le jeune calife pour une dinde. Dans la Bibliomule de Cordoue, le toujours très inspiré Wilfrid Lupano raconte sur 250 pages le périple agité d’un trio et d’une mule qui veulent sauver face à l’obscurantisme religieux le savoir universel. On se doute bien qu’il y a message dans ce bel ouvrage passionnant avec Léonard Chemineau au dessin. Savoir et pouvoir ne font pas toujours bon ménage. Après la mule du pape, on part à l’aventure avec la bibliomule.

La bibliomule de Cordoue

Au califat d’Al Andalus, au Xe siècle, en Espagne, à Cordoue, y a de la rumba dans l’air. Tout allait bien mais après la mort du calife et le petit dernier héritier jeunot qui ne fait pas le poids, le vizir Amir se prépare au gros coup, être calife à la place du calife. Rien que très banal sauf qu’il lui faut l’appui des religieux radicaux. Pour y arriver il doit détruire la plus belle et riche bibliothèque de l’empire musulman, 400 000 livres au total (un seul sera retrouvé). Pas d’état d’âme mais c’est sans compter sur deux obstinés courageux qui vont tenter de sauver au mieux les meubles, Tarid bibliothécaire dodu et Lubna, une jeune copiste. Manquent au tableau le déménageur mule irascible, et un visiteur inattendu, Marwan, un ancien élève qui est parti depuis des années. Il faut filer au plus vite, charger la mule avec les ouvrages les plus rares et fuir. Avec sur les talons les gardes envoyés par le vizir qui n’a pas apprécié. Car il y a un bonus.

La bibliomule de Cordoue

Le quatuor est de belle allure. L’Histoire, la grande, est en toile de fond avec un gai-luron, Maewan et son épée. Tarid explique quand il le peut le contenu des ouvrages et tente de rejoindre le Leon, royaume chrétien. Il y a un petit côté conte avec le dodu Tarid qui veut empêcher la guerre si on n’a plus de livres en référence. Pas évident la gestion de la bibli ambulante sous l’œil torve de la mule. Mais il y a aussi un mystère à découvrir. Trop de femmes instruites et des rôles à redistribuer. De l’humour en prime, le dessin est signé par un Léonard Chemineau (Edmond) au trait souriant, vif. L’ histoire est pleine de rebondissements. Enfin brûler des livres ne restera pas isolée dans l’histoire du monde, malheureusement. Aucun pays, aucune religion, aucun siècle ne les épargnera comme le rappelle Lupano (Blanc autour). Un bel ouvrage très travaillé, militant avec brio qui montre bien que le savoir est en danger permanent.

La bibliomule de Cordoue, Dargaud, 35 €

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