Pas de pitié pour les Indiens, Dumontheuil retourne en enfance

La Colonne, vibrant témoignage du temps pas si béni des colonies, l’excellente Longue marche des éléphants dans un Laos qui nous tient au cœur, on pourrait citer bien d’autres titres de l’un des plus chaleureux et brillants auteurs complets du 9e art. Nicolas Dumontheuil s’est offert, nous a offert, cette fois avec Pas de Pitié pour les Indiens, un retour sur l’enfance, période de toutes les découvertes, des joies, des peines qui font, paraît-il, un tout pour faire d’un gamin un adulte. Une balade campagnarde, à l’aube des années 70-80, avec trois copains dans un patelin perdu du Sud-Ouest où ils vont vivre malgré tout les plus belles années de leur vie.

Pas de pitié pour les Indiens Il y a Thierry dit Titi, un peu trouillard, fils du chef de brigade de la gendarmerie locale. Jules c’est le chef de la bande, un accumulateur de bêtises en tout genre, neveu du curé du village dont la sœur, sa mère, a des faiblesses neuronales. Enfin, il y a le dernier du trio, le narrateur, Jean, qui a l’air d’une fille avec ses cheveux longs, fils de l’instituteur baba-cool. Au départ, faire péter un gros pétard dans une bouse aurait pu être un non-évènement. Mais voilà, il y a des fois où c’est la loi des ennuis en série. Titi en prend plein le falzar, tombe dans la rivière et ils atterrissent chez les frères Ardaillou pour se sécher. Les deux sympathiques malfaisants vont leur faire prendre la première cuite de leur vie. Du coup, Jules, 8 ans, bourré comme un coing libère trente vaches dont une qui a la mauvaise idée de s’incruster sur le break 404 d’un des frères Ardaillou. Un bel enterrement pour le bouilleur de cru et trois gamins qui désormais ont un secret mortel sur le cœur.

Pas de pitié pour les Indiens

Une entrée en matière qui va se transformer en cascade d’enquiquinements. La vie va reprendre son cours entre Steve McQueen et sa Winchester de Josh Randall, Rusty et « You Rintintin ». On apprend comment les parents de Jean ont débarqué dans le coin, façon ex-soixante-huitard et Larzac réunis. Une colonie hippy avec des chèvres et du hasch, un curé de choc, une demoiselle Rouge qui attend le Grand soir, Manitoba au crâne dégarni totem des enfants, la maman de Jules qui a bien de tristes soucis, et enfin une petite fille musulmane Djémila qui va faire flasher Jules mais pas l’ancien combattant d’AFN du coin.

Pas de pitié pour les Indiens

Tout s’enchaîne à merveille dans cette chronique douce-amère de beaux et tristes moments. Les gamins ont une trouille bleue qu’on les prenne pour des assassins à la vache. Dumontheuil raconte, sur des bases en partie biographiques, un monde authentique qui a beaucoup changé depuis mais n’avait pas évolué avant. Années 60 ou 70, mêmes souvenirs de bande de copains, de petites fiancée et de bisous, pas de portable mais un arc et un pistolet de cow-boy, la TV tout juste en couleur et trois chaines, des illustrés, le bonheur. Un vrai moment émotion tendre et juste, avec une belle fin étonnante.

Pas de pitié pour les Indiens, Futuropolis, 19 €

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