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Corto Maltese, le Jour de Tarowean, un superbe chainon manquant

Quand on avait rencontré Rubén Pellejero à Sète, à BD Plage, il avait légèrement soulevé le voile sur les nouvelles aventures que lui et Juan Díaz Canales avait prévu de faire vivre à Corto Maltese. Le Jour de Tarowean serait une sorte d’introduction argumentée précédant les débuts de Corto dans La Ballade de la Mer Salée. Un défi ambitieux car il fallait que toutes les connections puissent ensuite se faire, qu’on ne soit pas finalement dépaysé par ces débuts dans les Îles perdues du Pacifique où règne un moine manipulateur et où se met en place des politiques coloniales juste avant la guerre de 14. Corto serait-il plus juvénile, déjà construit psychologiquement, Raspoutine égal à lui-même ? Et, surtout, dans quel guêpier à tiroirs Corto allait bien pouvoir se fourrer ? Là, les réponses sont dans cet album qui tient parfaitement le cap de l’une des plus construites et efficaces reprises de ces dernières années.

Fin 1912 en Tasmanie, Port Arthur est un ancien pénitencier. Corto et Raspoutine sont venus récupérer Calboose, un aborigène, un prisonnier gênant. Ils embarquent sur le bateau d’un scientifique, Waterhouse. alors que sur l’Île Escondida le Moine se prépare à aller envahir une léproserie dont il semble garder des souvenirs bien précis. Mais avant, il a un plan à fignoler avec le chef Gorakava. Donnant, donnant et le retour de Calboose n’y est pas étranger. Corto n’en sait pas plus sur son protégé alors que la confrérie des Moines s’inquiète des initiatives de leur frère d’Escondida. Pour eux, seul argent et pouvoir comptent. La croisade contre les léproseries est une erreur stratégique. A Kuching, au Sarawak (la Malaisie actuelle), Corto assiste à une réception au Musée de la ville. Il comprend que grandes puissances, autochtones ont peut-être des intérêts divergents. Sans oublier le rôle éventuel du jeune Samoan Calboose.

Un album qui coupe, recoupe les intrigues. On tire un fil, un autre vient pour au final que tout se rejoigne. Une foule de personnages dans l’esprit de Pratt mais, on le sait désormais. Un travail argumenté, défendu, inspiré par Canales et son scénario. Très peaufiné sans jamais être alambiqué, ce Jour de Tarowean (équivalent de notre Toussaint) est aussi une sorte d’hommage à Pratt et d’ouverture à ses propres albums. La couverture en est le symbole, dernière planche de La Ballade de la Mer Salée. Des surprises aussi, des retours, mais on se tait. Action, sentiments, fable, légende, Juan Diaz Canales et Ruben Pellejero ont bien mené leur barque qui va emporter Corto Maltese vers ses débuts, un chainon manquant superbe dont Pellejero a plus que maîtrisé le graphisme en y apportant son propre talent et inspiration créatrice.

Corto Maltese, Tome 15, Le Jour de Tarowean, Casterman, 16 €

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