Derrière le rideau, Montand et Signoret à l’Est

C’est un des voyages qui a fait le plus parler de lui. En 1956, Simone Signoret et Yves Montand vont faire une série de concerts derrière le rideau de fer. Communistes convaincus qui n’acceptent aucune critique visant l’URSS, le couple terrible du cinéma et de la chanson française maintient son déplacement malgré ce qui se passe en Hongrie, la volonté de liberté d’un peuple sous le joug des camarades rouges. Xavier Bétaucourt, de One, two, three, four, Ramones, Ils ont tué Léo Frank, ou plus récemment l’excellent Monsieur le commandant est un journaliste qui connait bien son métier et est devenu un scénariste de haut vol. C’est lui qui trace pour le dessinateur Aleksi Cavaillez la trame précise de cette tournée qui coûtera beaucoup à Montand, incapable finalement de faire un vrai choix, personnage à double visage pas vraiment sympathique.

Derrière le rideau

Budapest octobre 1956 les Hongrois se révolte, les Russes interviennent mais un gouvernement de transition est malgré tout nommé. Pourtant les chars soviétiques reviennent début novembre et c’est le massacre. A Paris Signoret et Montand tournent, apprennent Budapest. Montand a signé pour une tournée à l’Est depuis plus d’un an. Montand est communiste engagé on le sait. A Lyon il y a trois ans on a jeté des boules puantes dans le théâtre où il doit chanter. L’Olympia veut annuler son passage cette fois. Manifestations à Paris, son frère Julien encore plus communiste, plus dur que lui insiste pour qu’il parte. Ils sont issus d’un milieu pauvre et populaire. Simone elle vient d’une famille bourgeoise. Sartre, Prévert, Jules Roy, Montand s’intellectualise et milite. Signoret ne veut pas qu’il y aille mais il décide de partir. Le 18 décembre ils sont à Moscou avec un accueil triomphal.

Quelle meilleure publicité pour l’URSS qu’après avoir écrasé un pays, Montand cautionne finalement l’acte en venant chanter semblant de rien en URSS ? On comprendra la lucidité de Signoret face aux places très chères, à l’intox politique, la lâcheté en fait de Montand manipulé qui ne se rend pas compte de la réalité russe. Faux prétextes de Khrouchtchev, vocabulaire dépassé, mais réactions quand même du couple qui finit par entrevoir la vérité, ce Derrière le rideau jusqu’à Budapest rétablit une vérité, montre d’Aragon à bien d’autres la stupidité coupable de célèbres intellectuels de l’époque. De Moscou à Hollywood, Montand n’a pas fini ses voyages. Dessin très efficace en noir et blanc.

Derrière le rideau, Steinkis, 20 €

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