Une entreprise sacrifiée, des salariés virés pour faute de profits ou de rentabilité à destination d’actionnaires impitoyables, de faux espoirs entretenus par les politiques et les dirigeants, la rage puis l’abattement, le chômage, c’est le quotidien de beaucoup de victimes d’un système à bout de souffle. Notre part des ténèbres est la revanche des petits, des faibles, des méprisés qui vont, cette fois, oser mordre. Eric Liberge (Le Suaire) au dessin et Gérard Mordillat, qui a adapté son propre roman, ont mis en scène une révolte atypique, grand format, qui est possible sur le fond mais aussi sur la forme. Du spectacle aussi pour un thriller social qui vise juste et fort.
La suite c’est à la fois une prise d’otages à grande échelle, et des otages de poids, mais aussi la défense par la force de la dignité de gens qui n’ont plus rien à perdre. Cap au Nord, vers ce qui pourrait bien être une destination suicide alors que le gouvernement va tout mettre en ordre pour une intervention musclée. Un Jacquouille la fripouille, un Obélix viticulteur de luxe, un échantillonnage bien connu de patrons si on regarde avec attention le dessin, et puis tous ceux qui ont décidé de se révolter. Tous volontaires, la suite mérite d’être vécue, et lue bien sûr. On frissonne en ce disant que le désespoir est là, près de nous, qu’on ferme les yeux.
Mordillat décortique le process, comment on en arrive là, par mépris bien pensant et soif d’argent. Le personnage du commandant chef d’opération est remarquable. La tension a été aussi rarement palpable dans un ouvrage de la sorte. La dramaturgie est en place. Comment cela finira ? On connait les engagements de Gérard Mordillat en politique. Il a aussi travaillé avec Liberge sur le Suaire. On avait beaucoup aimé Fucking Fernand. Un album militant mais authentique.
Notre part des ténèbres, Les Arènes BD, 20 €
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