Un retour à marquer du pierre blanche, celui de la charmante, séduisante, incomparable et très volontaire Jeanne Picquigny. Fred Bernard est allé la rechercher dans l’Himalaya. Depuis La Patience du tigre, Jeanne et Fred Bernard avaient pris des vacances. Jeanne est de retour avec près de 400 pages d’aventures et de flash-backs, d’explications, de nouvelles pistes et Lily Love Peacock qui se balade sur les traces de son ineffable grand-mère. La Paresse du Panda (Casterman) est un bonheur de fantaisie réaliste au petit soupçon de fantastique. Fred Bernard va plus loin avec Ligne Claire. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Quatre ans pour que Jeanne revienne après les 500 pages de La Patience du Tigre en 2012. Est-ce bien raisonnable d’avoir fait attendre aussi longtemps tous ses fans ?
J’ai toujours autant de passion, de souffle pour Jeanne même treize ans après ses débuts. Il m’a fallu deux années pour La Paresse du Panda avec une matière nouvelle, des indices que je distribue et de nouveaux que l’on peut suivre, des zones déjà évoquées, des réponses. Si on relit les bouquins depuis le début La Patience du Panda prend tout son sel.
Votre narration emprunte souvent des chemins de traverse ?
Mais c’est beaucoup plus drôle. On s’aperçoit par exemple que la mère de Lily est une cocotte. Je n’aime pas la ligne droite. Je sais les buts à atteindre mais pas toujours le chemin. C’est très jubilatoire à faire. Désormais pas mal de pièces sont placées sur l’échiquier. C’est aussi un jeu de piste, il faut éclairer les points obscurs. Et improviser parfois.
Donc il vous fallait beaucoup de pages.
Absolument. J’ai bâti un récit qui m’amuse toujours autant. Au départ je pensais à 250 pages. Et puis voila. Comme lecteur j’aime bien les récits qui se déroulent sur la durée. J’ai gardé la trame historique du monde dans lequel vit Jeanne. C’est ce qui m’intéresse le contexte politique de l’époque. On est dans des aventures rocambolesques et épiques, les dernières. On vit une évolution des mœurs. Mais l’écrit va permettre une transmission, laisser une trace et Lily va lire les carnets de Jeanne. Lily est moins aventurière que sa grand-mère. J’ai des cahiers, comme ceux de Jeanne, avec des notes, des dessins. J’y rentre de la matière historique et visuelle. Je pique dedans. Mes personnages évoluent. Victoire a pris une importance que je n’avais pas prévu.
Et apporte une part de fantastique.
Oui, elle prend vraiment de l’importance. Je ne l’avais pas prévu. C’est celle qui se maîtrise le plus. Occultisme, magie, la Craigne, les crottes de dieu, à suivre de près pour la suite. Gentille ou méchante, Victoire, on verra.
Comment définiriez-vous votre travail ?
Je suis un peu un cuisinier qui invente une recette. J’y prends du plaisir et j’invite le lecteur à ma table. Je ne vais pas m’endormir. Où j’arrive au bout du plongeoir et il faut y aller. Quelle figure en sautant je vais faire ? Une histoire, c’est un feu d’artifice qui doit surprendre. Avec Jeanne je décortique leurs histoires de famille avec toutes les ficelles enchevêtrées.
Il y a même Jean-Paul Gaultier dans le Panda ?
Oui, mais vraiment je ne le connais pas (rires). C’est un copain de Lily. C’est plausible. Ils sont copains dans la mode. Lily est mannequin. De toute façon il faut qu’il y ait dans ce que je raconte une cohérence avec ce que j’ai vécu. Cela m’aide à y croire. Lily est née le jour de la mort de Lennon. Lily n’est pas, elle, une militante.
Ce Panda était espéré par vos lecteurs. On est tous un peu amoureux de Jeanne Picquigny, non ?
Cette suite était très attendue. Je l’ai ressenti avec des lecteurs fous de Jeanne, de ce qui allait lui arriver. Il y a même des gens qui découvrent des choses dans les albums que je ne vois pas. J’adorais Pratt pour ça. Le succès de Jeanne c’est depuis le début le bouche à oreille. Il faut créer le besoin du lecteur donc bien sûr il faut une suite. Et c’est vrai qu’elle suscite passion et amour.
Vous êtes un Bourguignon et c’est dans un château de Bourgogne qu’est le refuge de la famille Pecquigny ?
Oui une sorte de Moulinsart qui existe et la propriétaire a vu les planches au départ. Elle a souri aux scènes un peu légères parfois avec Jeanne. Son parc est celui de Jeanne. Le vin est fantastique à Savigny (rires).
Il va falloir attendre combien de temps pour savoir la suite ?
J’ai commencé le prochain mais je ne sais pas dans quel sens je vais aller. Passé, présent. C’est plus difficile d’écrire que de dessiner. Dire quand paraîtra le prochain c’est difficile mais, oui, Jeanne et Lily ont encore une sacré route à faire. Je n’ai pas encore donné toutes les réponses. Il y aura de belles surprises à venir.
La Paresse du Panda, Une aventure de Jeanne Picquigny, Casterman, 25 €
Fred Bernard expose les planches de son nouvel album à partir du 11 février à Paris au 5 mars chez Barbier et Mathon 10 rue Choron, 75009 Paris du mercredi au samedi de 14 h à 19 h 30 ou sur rendez-vous au +33 (0)6 80 06 29 95
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