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Les Tableaux de l’ombre, Jean Dytar et ses charmants petits maîtres

Jean Dytar est un magicien de l’art, un auteur inspiré que la BD transcende. On l’avait vraiment découvert à la parution de La Vision de Bacchus, son second album qui traitait de la création artistique, de ses mystères. Dytar, on l’a dit, avait su magnifier cette BD qui est pour lui un sublime moyen d’expression artistique. Dytar est toujours d’une rare sincérité dans ses écrits et son dessin. Il y a eu ensuite Florida et l’aventure extraordinaire d’un maître cartographe au XVIe siècle, projet qu’il avait déjà en tête quand sortait Bacchus. Aujourd’hui, Dytar retourne au musée pour Les Tableaux de l’ombre, ces petits-maîtres écrasés par les « grands », ceux devant lesquels on s’extasie, méprisant allègrement les premiers, sortes de bouche-trous de circonstance qui vivotent dans l’ombre des stars. Pas un regard ou par pure forme. Mais des fois…

Le Louvre, c’est très grand. Et quand on est un petit garçon un peu dans la lune qui s’imagine qu’une dentellière, de son tableau, le regarde, il y a de quoi perdre sa classe. Alors Jean doit attendre que la gardienne retrouve le groupe, assis sur un banc, face à cinq charmants petits formats non moins occupés par de petits personnages qui, d’un coup, s’animent. Il y a Tobias le musicien qui veut jouer au grand dam de la nourrice, le fumeur de pipe, le paysan et le femme devant son miroir. Ce sont Les Cinq sens, une belle série d’allégorie signée par Anthonie Palamades peintes au XVIIe siècle. Ils en ont gros sur le cœur tous les cinq, face à un autre tableau plus prisé, une sorte de placard à balais aux personnages de dos. Mais le soir les souris dansent au Louvre. Les personnages sortent de leur cadre et font la fête. Enfin, les grands dont les vedettes La Joconde ou les Horaces et les Curiaces, Napoléon empereur, la Vénus de Milo. L’élite qui fait affluer des visiteurs du monde entier. Les petits, on ne les accepte pas à la fête. Service d’ordre implacable. Et révolte des sans grades menée par Guida, un autre petit de l’école italienne. Une révolution, on va décrocher les grands. Débat en interne quand tout d’un coup un photographe tire le portrait des cinq trublions.

Que va-t-il arriver ? La Joconde à la trappe ? Les grands au placard, dans les réserves ? Tout est possible. Mais il y a Jean Dytar qui va sûrement trouver une issue à ce triste conflit. Oui les petits maîtres sont tout aussi importants que les stars des cimaises. Une très belle fable, tendre, joyeuse, pleine d’humour, très joliment dessinée avec de belles surprises dans l’air du temps. Mais est-ce que tout ceci n’aurait pas un petit parfum de vérité ? Allez savoir. Toujours est-il, qu’une fois de plus, le très rare et subtil Dytar signe un album attendrissant que savoureront avec délices petits et grands.

Les Tableaux de l’Ombre, Delcourt et Louvre éditions, 14,95 €

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