Le décès de Mandryka, père du Concombre masqué

Nikita Mandryka, père du Concombre masqué, est mort à 80 ans à Genève. Il restera pour tous les lecteurs de Pilote une référence maniant un humour décapant à la limite de l’absurde. Le Concombre parait en 1967. En 1994, il avait été nommé Grand Prix d’Angoulême.

Nikita Mandryka
Nikita Mandryka. Dargaud ®

Mais Mandryka c’est aussi L’Écho des savanes qu’il lance en 1972 avec Claire Bretécher et Marcel Gotlib. Il quitte le titre pour des postes dans lesquels il aura à gérer quelques-uns des plus grands noms, comme lui de la BD. Il sera rédacteur en chef de Charlie Mensuel en 1982, puis de Pilote en 1983. Le Concombre masqué revient en album chez Dupuis dans les années 1990. On sait beaucoup moins que Mandryka a été l’un des premiers à se servir du web pour faire de la BD en créant son propre site.

Le Concombre masqué Comme le précise dans sa biographie les éditions Dargaud, il est d’origine russe pourtant né un 20 octobre 1940 à Bizerte, en Tunisie par un hasard de circonstances qui influença son génie créateur. Le grand-père maternel, commandant d’un torpilleur, chassé par la révolution bolchévique, part de Sébastopol en 1918, demande l’asile de la France qui le dévie vers Bizerte. Il y échoue son navire totalement déglingué puis se retrouve gardien de citerne. Les parents de Nikita, étudiants en médecine à Lyon, retrouvent la diaspora slave sous le soleil maghrébin et y conçoivent leur fiston. Papa est devenu toubib.

« C’était un monde de folie entre immigrés russes, se souvenait Mandryka. Les hommes vaincus aspirant au retour, les femmes faisant des ménages…de doux dingues ! J’ai repris certains mots russes qui me faisaient rire en les transcrivant plus tard de façon phonétique en BD. Je pense que c’est à partir de cet univers que j’ai inventé le mien, une façon de me sortir de la folie dans laquelle j’ai vécu mon enfance, de la maîtriser. Le concombre est une BD thérapeutique, une analyse infinie. »

Le Concombre masqué

Mandryka dessine dès l’âge de 7 ans après la découverte de Spirou, véritable « explosion » dans son jeune cerveau. Il copie avec application les personnages. Ses balbutiements en BD accompagnent ses premiers émois de spectateur assidu de westerns, de Zorro et autres Flash Gordon sur grand écran. La situation se gâte en Tunisie et la famille émigre au Maroc avant d’atterrir à Lons-le-Saunier (Jura) où Nikita entame des études secondaires. Un choc climatique et environnemental qu’il devra surmonter. En 68, Mandryka entre à l’IDHEC à Paris. Son cursus cinéma terminé, il a déjà démarré la BD pour « gagner sa croûte » et le dessin l’emporte : « un film n’est pas une mince affaire alors qu’avec un papier, un crayon, et un pinceau, on fait soi-même son cinéma ».

Les Aventures potagères du Concombre masqué

L’idée du Concombre lui vient à 14 ans quand il tombe sur une BD de Jean-Claude Forest, Le Copyright, un lézard magique tirant d’une poche une panoplie d’outils. Aguerri au dessin, Nikita publie avec succès ses premières BD chez Vaillant et dans Pif. Après quatre publications du concombre chez Dupuis, La Dimension Poznave (part 1 et 2), Le Concombre dépasse les bornes et Le Concombre fait avancer les choses, entre 1990 et 1992, Mandryka déménage à Genève où sa future épouse, Alicja Kuhn, crée une adaptation théâtrale des aventures de son héros.

Mandryka revient en force dans les années 2000, en participant au scénario de deux tomes de la série Les Gardiens du Maser de Max Frezzato, avant de reprendre les rênes de son Concombre Masqué pour l’album Le Bain de Minuit.

Le Concombre masqué

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2 commentaires

  1. GAZAI ALEXANDRE

    Un grand qui ne se prenait pas au sérieux, je l’avais rencontré au tout premier salon d’Angoulême en 74…
    humour et gentillesse . Un grand souvenir.
    Tu resteras au fond de nos coeurs ! Salut à toi !

  2. Mandryka m’avait proposé un travail lors d’une rencontre à Carpentras ; je lui avais soumis très modestement certaines idées, puis une soirée qui s’était prolongée très tard du coup.. Echanges riches, constructifs et flatteurs via le courrier électronique, puis un malentendu (Nikita ne se souvenait plus de certaines choses) et une lassitude de ma part pour ne pas dire plus.. Puis, il y a quelques temps, une envie de relancer le contact (« c’est trop bête »). Trop tard. Très triste nouvelle. Un grand de plus qui nous quitte, nous rappelant une époque révolue. Si, à mes yeux, le Concombre est souvent..inégal, il n’en reste pas moins certaines fulgurances que je qualifierais de « géniales » au sens premier du terme. Pour ça et le plaisir incroyable que m’a procuré certaines tâches données par le père du complexe cucurbitacée, merci Monsieur Mandryka ! Vos analyses vont nous manquer..