Chroniques de San Francisco, et des jours heureux

Ce sont les récits d’Armistead Maupin, Chroniques de San Francisco, qu’ont mis en images avec beaucoup de talent Isabelle Bauthian (La vie mystérieuse, insolente et héroïque du Dr James Barry) et Sandrine Revel. Maupin les a publiés dans le San Francisco Chronicle, grand quotidien de ville depuis plus d’un siècle et concurrent du non moins célèbre San Francisco Examiner pourtant à l’époque appartenant au même groupe celui d’un certain Citizen Kane. Une parenthèse rajeunissante pour avoir eu la chance de passer quelques temps dans ces titres pas si longtemps après que ne commence la parution de ce qui allait devenir un succès mondial. Vues en séries BD plusieurs fois, en film, Chroniques de San Francisco, pour la première fois en BD, montrent avant tout la façon dont une poignée de personnages veulent vivre leur vie, à savoir leurs amours, leurs sexualité en toute liberté, leur vie sociale même si c’est compliqué en particulier encore dans les années soixante-dix si on est homosexuel alors que San Francisco était reconnue comme la ville gay aux USA. Il n’y a pas de tabou chez Maupin. Isabelle Bauthian l’a fidèlement adapté, y a apporté sa touche sensible. Quel que soit l’âge, le sexe, tout tourne autour des relations parfois difficiles mais franches des personnages. On est aussi sans une série avant la lettre, les relations de travail, la promotion sociale, le poids parental pour avouer son homosexualité. On n’oublie pas non plus le dessin de Sandrine Revel dont on a toujours dit la sincérité, l’émotion du trait a encore évolué dans ses expressions graphiques. Le ton est parfait, dépasse parfois le côté plus suggéré de Maupin, prends une tournure plus réaliste. Un premier tome qui aura sûrement, on le souhaite, un vrai succès auprès de tous les publics.

Chroniques de San Francisco

Elle débarque à San Francisco, Mary Ann Singleton et décide d’y rester contre l’avis familial. Elle vit chez sa copine Connie, hôtesse de l’air, mais veut son indépendance. Elle trouve une chambre chez une charmante quinquagénaire, Anna Madrigal qui a plusieurs locataires au 28 Barbary Lane. Connie commence à lui expliquer comment fonctionne Frisco et lui fait part de sa vie sentimentale, pas vraiment une réussite. Mais en faisant ses courses avec elle, Mary Ann rencontre Robert et Michael qui vivent en couple. A son retour chez elle, elle trouve collé à sa porte, un joint cadeau de bienvenu de Madrigal et fait la connaissance de Mona qui a décidé de vivre nue dans son appartement et va la faire entrer dans la boite où elle travaille, Halcyon Communications, dirigée par le fort peu sympa Edgar, fondateur de l’entreprise. Il y a aussi son gendre Beauchamp, dragueur et marié à Dede. Edgar est gravement malade. Un jour, il s’assoit sur le même banc que Madrigal dans un parc. Commence alors une relation très sensible alors que Dede et Beauchamp sont en plein conflit de couple.

Chroniques de San Francisco

Les personnages apparaissent les uns après les autres, les pistes et les destins vont se croiser, le fil rouge étant Mary Ann qui essaye de prendre ses marques sur tous les plans. Sa vie sentimentale est transparente. On revient dans l’Amérique des années 70 vrai cadre où écrit Maupin. Le Vietnam vient de finir, Nixon et le Watergate, la libéralisation des mœurs, la reconnaissance de l’homosexualité, l’avortement. Dans San Francisco Chronicle, on est en 1977, entre la fin du Flower power et le Sida. Ce qui n’est pas neutre dans le récit et pourra parfois surprendre. Michael incapable d’avouer son homosexualité à ses parents, Mona, Beauchamp et Edgar touchants, Mary Ann qui est tenté de rentrer dans son patelin de Cleveland, Jon le gynéco, D’O, Norman, on en oublié. De l’humour et il y aura même un suspense et des secrets divers au bout du Golden Gate. Une vraie série réussite sur les pastels sensibles de Sandrine Revel.

Chroniques de San Francisco, Tome 1, Steinkis, 19 €

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