Whaligoë, le village de l’angoisse

Dans Whaligoë, Yann réalise un huis-clos nerveux sous le ciel d’Écosse en 1815. Virginie Augustin y a fait évoluer son graphisme et son dessin vers un réalisme plus appuyé. (Article à lire aussi dans le numéro de janvier de Zoo).

Whaligoë Un village perdu sur la lande écossaise. Napoléon vient d’être vaincu à Waterloo. En ces années 1815 un couple débarque en diligence à Whaligoë, nom de ce bien triste endroit loin du monde et titre de l’album. Sir Douglas Dogson, écrivain à ses heures, dandy toujours, accompagné de sa muse, la brune Speranza un brin toxicomane ne savent pas encore qu’ils auraient mieux fait de passer leur chemin.

Cette histoire, Yann la porte depuis plus de dix ans : « ils vont être pris au piège à tous les niveaux dans ce village. Jusqu’à la fin du tome 2 qui clôturera l’histoire. C’est un couple lassé de la vie. Lui surtout qui a été obligé de fuir la bonne société londonienne pour une histoire de mœurs, entraînant sa compagne dans sa chute sociale. Et en même temps, ils vont avoir l’occasion de se retrouver, de rebondir, de se révéler. »

A Whaligoë on ne fait pas dans la dentelle. La gloire locale c’est un écrivain Ellis Bell, homme violent amateur de combats de coqs qui vit en reclus avec sa sœur Emily. Confrontation inévitable des deux couples que la littérature devrait unir mais qui en fait les sépare. Jalousie, mépris réciproque, violence contenue, Yann a mis en scène un huis-clos à Whaligoë : « ils ne peuvent pas s’enfuir de ce village. Ce qui sera pour eux un véritable aiguillon pour faire face. »

Un concentré d’influences

Yann
Yann. Photo Alexis Haulot – Dargaud ©

Ambiance tendue, montée en puissance de l’action, Yann a concocté un scénario en perpétuelle évolution. Pas une planche où il ne se passe pas quelque chose. La maîtrise est évidente de cette histoire très écrite aux dialogues acérés et tranchants comme des lames, personnages obligent. « Whaligoë est une sorte de concentré de mes influences cinématographiques, celles d’un Mankiewicz dans Eve, ou littéraires avec un Oscar Wilde. Je n’ai jamais cessé depuis dix ans de retravailler ce scénario. Ensuite il fallait que je trouve le dessinateur avec qui nous pouvions partager les mêmes goûts dont une certaine forme de romantisme. »

La dessinatrice, en fait. Ce sera Virginie Augustin, auteur de la série Alim le tanneur avec Lupano et plus récemment Le Voyage aux ombres avec Arleston. « Quand j’ai reçu le scénario de Yann je n’y ai pas cru de suite. La plaisanterie d’un homonyme ? Pas du tout. Et cela tombait bien car j’avais envie de quitter l’univers de l’heroic-fantasy. En plus il fallait cerner les personnages attentivement, apporter cette part psychologique très importante dans le scénario de Yann. En 1815 un couple bien né était condamné à se supporter. Quant au cinéma c’est une passion et a été un premier choix de carrière. »

Whaligoë Pour Virginie Augustin il y a eu un vrai plaisir « avec peu de documentation sur cette période du début du XIXe siècle. Encore moins sur l’Écosse. Je voulais rester crédible pour l’époque. J’ai commencé à travailler le dessin à la plume comme les illustrateurs anglais du XIXe. Très difficile ».

Yann a été ravi par « l’osmose entre texte et dessin de cette histoire sauvage. Elle raconte aussi l’usure qui guette un couple comme celui de Sir Dogson ». Et l’alchimie entre Yann et Virginie Augustin a bien eu lieu dans Whaligoë. Un scénario assez machiavélique que n’aurait pas renié un Conan Doyle. Le piège s’est refermé sur Sir Douglas et Speranza qui devront se défendre seuls dans un univers non seulement hostile, on découvrira pourquoi, mais qui en plus leur est étranger. Un bon suspense, noir, très efficace.

Whaligoë, Tome 1, Casterman, 48 Pages, 13,50 €

Whaligoë

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