Interview : Yannick Corboz à Montpellier, des Rivières du passé à Verhoeven et Frankenstein associé à Dracula

Il est venu s’installer à Montpellier. Yannick Corboz a pris en mains le destin du commissaire Verhoeven adapté par Bertho des polars de Pierre Lemaitre qui vient de sortir Le Grand Monde. Mais il signe aussi avec Desberg chez Maghen Les Rivières du passé dont le tome 2 est prévu sous peu. Deux mondes très différents, polar noir et fantastique contemporain, Corboz a peaufiné de plus en plus son dessin accroche les ambiances, les restituent parsemées de personnages charismatiques. Mais il a des projets Yannick Corboz, personnels et sensuels. C’est ce qu’il a dit à Ligne Claire dans cette interview. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC. Merci à Yannick Corboz pour les dessins, croquis inédits publiés dans ce texte.

Yannick Corboz
Yannick Corboz ©

Vous êtes désormais montpelliérain Yannick Corboz. Pourquoi avoir quitté Londres ?

Nous sommes à Montpellier depuis trois mois après Londres. On avait envie de bouger mais on aurait pu aller ailleurs en Europe, ou dans une autre grande ville, mais pour des raisons familiales on a choisi Montpellier. On ne connaissait pas du tout en fait la ville qui est très agréable.

On fait un point d’étape avec le troisième tome de la brigade Verhoeven d’après Lemaitre, Alex.

Il y en aura un quatrième tome de la brigade Verhoeven, Anne. En réalité Pierre Lemaitre parle d’une trilogie mais il en avait fait un de plus de commande, Rosy and John qu’on avait adapté en premier pour présenter les personnages. Ensuite c’était Irène puis Alex. On a choisi en accord avec Lemaitre de prendre pour les albums les titres des traductions en italien donc des prénoms.

Brigade Verhoeven

Ce qui cadre mieux le sujet. Comment Lemaitre a réagi aux BD ?

Le scénariste Pascal Bertho l’a rencontré. On lui envoie le scénario, le story-board et le PDF le travail fini. Il nous donne ensuite le feu vert mais intervient peu. Pas de date par contre pour le quatrième mais cela peut aller vite entre le scénariste, le coloriste et moi. Une sortie est possible en 2023. L’univers est cadré et je travaille plus vite.

Et après Brigade Verhoeven s’arrête ? Pas de suite écrite spécialement écrite avec ce personnage ?

Pourquoi pas. Il faudrait que Pierre Lemaitre soit d’accord. Est-ce qu’il l’écrirait ou quelqu’un d’ autre ? C’est aussi une volonté de l’éditeur qui tranchera et les ventes ont été moyennes.

On aborde Les Rivières du passé en deux albums, deux mondes, deux époques, deux femmes. Un dessin plus délirant, sensuel. Cela n’a pas été compliqué de changer d’univers après Verhoeven ?

Stephen Desberg s’est vraiment adapté à mon travail et m’a proposé un projet clés en main. Brigade Verhoeven c’est plus de la commande. Pour Les Rivières du passé, on en a discuté, de l’univers qu’il créait. Il l’a écrit pour moi. En fait il travaille différemment de Pascal Bertho où il y a un gros travail d’adaptation et met en scène ce que Lemaitre a écrit. Avec Desberg, c’est un travail plus organique car on est parti au départ dans une direction, on a un peu dévié. Il s’est adapté au story-board, l’a fait évoluer, a progressé peu à peu. J’avais plus d’indépendance. Quand on a le cadre comme pour Verhoeven, on sait comment s’en écarter et y revenir. Quand on n’a pas de cadre cela peut être bloquant. Il faut arriver à retomber sur ses pattes. Seul aux commandes, scénario et dessin c’est plus simple.

Yannick Corboz
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Parce qu’il faut accepter la part de l’autre ?

C’est surtout de comprendre, trouver un équilibre à deux sur une corde raide. Un Lupano a une vision très précise avant que le dessinateur n’intervienne. L’Assassin qu’elle mérite avait été écrit pour moi. On avait ajusté le sujet, et même rajouté des thèmes mais Lupano avait en tête la vision précise de sa série.

Avec Les Rivières du passé on est dans un monde fantastique, réaliste. Il va y avoir des surprises dans le tome 2 ?

Le premier tome est une introduction un peu longue. Le second est très dense. L’aventure se déroule et donne des réponses aux questions du tome 1. Il est pratiquement terminé. Je fais la couleur aussi. En avril il sera fini et paraîtra fin août. Et pas d’expo car je travaille en numérique (rires).

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Pas simple quand on est publié par Daniel Maghen, éditeur et propriétaire de galeries de ne pas avoir de planches pour une expo.

J’ai dix planches en fait par album sur papier. On peut voit d’ailleurs dans l’album noir et blanc si c’est papier ou numérique. Comme j’ai regroupé des techniques similaires graphiques sur les deux supports, ce n’est pas quand même évident. Les travaux préparatoires sont sur les deux supports. Dans le tome 2, il y aura un carnet graphique à la fin pour la version noir et blanc. Ce sera une fin de cycle et on peut peut-être rebondir sur une suite ou l’histoire d’un personnage. Pas dans l’immédiat. Je vais partir en fait sur un autre projet.

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Vous m’aviez dit l’an dernier travailler sur un album qui parle de la Covid.

Oui il est sorti. J’ai fait quatre planches et c’est un collectif chez The Ink Link. Ce sont des scénarios de Wilfrid Lupano en collaboration avec le CHU de Bordeaux, les soignants. Quant au nouveau projet dont je parlais, je vais écrire aussi et ce sera épais, un album fantastique à mi-chemin entre Dorian Gray et Frankenstein.

Yannick Corboz
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Un mélange des deux ?

Avec un petit côté Dracula en prime, plus Oscar Wilde et Mary Shelley. Il y aura un peu de romantique. Dans Frankenstein il y a une idée humaniste. Dracula parce que c’est un monstre qui parcourt le temps, des époques, ouvre des possibilités. Ce sera chez Glénat. Pas encore de titre et c’est largement écrit.

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D’autres projets en train ?

J’ai un autre projet plus personnel. Je mets sur Instagram des dessins érotiques, sensuels et on cherche avec Maghen, on pourrait être proche de Pierre Louÿs. De fait, cela me correspond. Je suis plus à l’aise par exemple dans Les Rivières du passé que dans Brigade Verhoeven, très intéressant pour les personnages mais dessiner Paris, des voitures, ce n’est pas mon truc. Je préfère travailler sur des ambiances que sur du contemporain. Pour Verhoeven, c’était un peu comme fait Olivier Marchal, des gueules. Lemaitre est très fort. La mise en scène a gardé le rythme du roman avec des ambiances très noires, un peu d’humour mais pas à la San Antonio.

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