XXI le numéro 54, « fliqués » et contents de l’être

Le sujet est brûlant. Sommes-nous « fliqués » que ce soit par le web, nos portables, les caméras qui pullulent en ville, sur les routes, dans les magasins ? Tout ce qui a pu nous faire sourire sur grand écran car nous étions persuadés que c’était de le SF est devenu une réalité qui n’en est qu’à ses débuts. Sous peu ce sera aussi l’aventure intérieure dans notre corps, la noan. Et on passe sur les satellites qui peuvent faire de là haut de la reconnaissance faciale. La revue XXI en a fait le thème de son numéro 54 en librairie dès le 30 avril, ce merveilleux printemps 2021 confiné sans l’être tout en l’étant par un Président fier de lui parce qu’il aurait gagné du temps, on se demande bien sur quoi.

XXI n°54

Léna Mauger et Marion Quillard, rédactrices en chef de XXI ouvrent leur numéro par ces mots :
« Des histoires d’images. Il y a celles que les appareils de surveillance prennent à notre insu. Au supermarché, au feu rouge, sur notre palier. Avec 420 millions de caméras, la Chine a poussé l’idéal sécuritaire à son paroxysme. On vous promettait des villes intelligentes ; au Xinjiang, on obtient des camps de rééducation. Hikvision, l’entreprise qui fournit 145 villes de France en matériel de surveillance, participe à la répression des musulmans ouïghours. De ces femmes et de ces hommes, ne reste qu’une multitude d’images manquantes. Parfois, une image se détache, singulière. Elle devient symbole, s’invite dans les livres d’histoire. En Afghanistan, un taliban en turban aurait dû rester dans l’anonymat de son village. C’était compter sans ses yeux verts sur ciel bleu, son lance-roquettes et le réflexe d’une photographe française, qui l’immortalisa. Quarante ans de guerre dans un regard. On peut tout faire dire à des photographies, y compris la vérité. Réduites à des pixels, elles nous tracent. Le disque dur global enfle, notre mémoire va exploser. « Je veux bien être transformé en papier », dit l’écrivain Jean-Marie Gustave Le Clézio. Les histoires de XXI aussi. »

Au sommaire de ce très riche et percutant numéro :

  • Caméras manne – reportage par Michel Henry – illustrations de Nathalie Lees. « Papinou » est un VRP de la vidéosurveillance. Avec Nice pour modèle, il convainc les maires de filmer leur village. Les élus plongent : « Les gens passent tellement de temps devant la télé qu’ils pensent que tout est à feu et à sang. »
  • Le mirage sécuritaire – BD de Marie Dubois, avec Michel Henry . Vendue comme la cité du futur par ses promoteurs, la « Smart city » applique les technologies militaires de surveillance à la vie civile. Le contrôle est permanent. Au prix d’une collecte folle, et non sans risques, des données personnelles.
  • « Nous allons vers une société de suspects » – Entretien avec la Quadrature du Net. Le juriste Martin Drago et le sociologue Félix Tréguer sont membres de la Quadrature du Net, une association qui défend « les libertés fondamentales dans l’environnement numérique ». Ils jugent les outils de surveillance des citoyens dangereux pour la démocratie et dénoncent un « fantasme techno-sécuritaire ».

XXI n°54

  • Mines d’or- Le Carnet de Kong Vollak. Sous Pol Pot, détenir des portraits de famille, c’était risquer sa vie. À la prise de pouvoir des Khmers rouges, en 1975, de nombreux Cambodgiens les enterrent sous leur maison pour ne pas être suspectés « d’esprit bourgeois ». C’est ce qu’ont fait les proches de Kong Vollak. Quarante ans après un génocide qui a tué un quart du pays, cet artiste, fils de survivants, transforme à la peinture d’or ces images retrouvées, pour ne pas oublier.
  • Huis clos ouïghour – Portfolio un récit photo de Patrick Wack/Inland. Patrick Wack photographie le Xinjiang depuis cinq ans. Derrière le calme apparent, ses images racontent la colonisation han dans cette région chinoise, et la détresse de la population musulmane.

XXI n°54

  • La peau des autres – reportage par Natacha Appanah – illustrations de Noémie Honein. « Le monsieur accepterait-il des Noirs et des Arabes chez lui ? » Dans le monde de l’aide à domicile, le racisme s’exprime parfois sans tabou. Betty, Séverine, Mariam sont noires et soignent, lavent, pansent des corps blancs abîmés. Elle se sont confiées à l’écrivaine Natacha Appanah.
  • Le taliban inconnu – témoignage de Léna Mauger – illustrations Ann Strijdom. C’est d’abord l’histoire d’une photo. Un jeune Afghan aux yeux verts brandit un lance-roquettes et fixe l’horizon avec défi. Son visage, symbole d’une guerre sans fin, fait le tour du monde. Qu’est devenu l’homme derrière cette image ?

XXI n°54

  • « Dans la cocaïne, c’est pas Disneyland » – Vécu – Propos recueillis par Merry Royer – illustrations Benjamin Adam « Je m’appelle Elie, j’ai 25 ans. Je suis dealer. Je livre à domicile. Je me fais dans les 4000 euros par mois. 400 prises de risque. Mais je gère : je suis un professionnel. Je connais mon métier ».
  • Prison break – reportage de Mathieu Palain – illustrations Caroline Laguerre. Deux détenus sont choisis pour relever un défi avec leurs matons : gravir le Mont-Blanc. L’expédition ne se passe pas comme prévu. Vertige de l’évasion.

XXI n°54

  • La centrale et le vautour – BD de Marius Rivière et Grégory Mardon. C’est la fin d’une longue histoire avec le charbon : la centrale thermique de Gardanne, l’une des dernières de France, a fermé. Son propriétaire, un milliardaire tchèque, fait fortune en rachetant ces usines dont personne ne veut plus et profite des subventions publiques. Les ouvriers, eux, occupent le site et lui cherchent une seconde vie.
  • « L’idée d’être transformé en papier ne me déplaît pas » – entretien avec Jean-Marie Gustave Le Clézio Depuis près de cinquante ans, le Prix Nobel de littérature vit en marge des lettres françaises. Du Mexique à la chine, du Nigéria au Panama, Le Clézio parcourt la planète pour se nourrir d’autres expériences et écrire « plus près du vécu ».

Revue XXI, N°54, 19 €

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