Mediator, une affaire mortelle

C’est l’un des plus mortels scandales sanitaires du XXe et du XXIe siècle à ses débuts , si ce n’est le pire devant celui du sang contaminé. Le Mediator, médicament pour lutter contre le diabète et surtout utilisé par des gens bien portants comme coupe-faim, a eu des effets secondaires terrifiants, niés par le laboratoire qui l’a conçu alors même que déjà il avait été obligé de retirer du marché un autre de ses médicaments l’Isoméride. On ne se gave pas de dérivés d’amphétamines sans conséquences. Celle qui a été la lanceuse d’alerte c’est Irène Frachon médecin courageuse, têtue, dont le nom est désormais associé au scandale, à la vérité. Mais comment en est-on arrivé là ? A l’époque la Presse a joué son rôle, reprenant quoiqu’il en coûte les informations, ne lâchant pas le sujet. On en était encore à la vraie puissance et objectivité des journaux papier. Les journalistes ont été incontournables face aux laboratoires Servier créateur du Mediator et de L’Isoméride. Irène Frachon et Eric Giacometti signent avec Mediator un crime chimiquement pur un album enquête, témoignage, factuel qui se lit avec intérêt, facilité, indispensable pour comprendre et surtout éviter que cela ne se reproduise. Ce dont on peut parfois douter quand on connait, on l’a vu avec le Covid, la toute puissance des laboratoires pharmaceutiques géants financiers mondiaux. Le 9 janvier 2023 débute le procès en appel de cette affaire que la pneumologue Irène Frachon avait lancé en 2007.

Un crime chimiquement pur

Un album de combat dessiné par François Duprat. Des morts inexpliquées comme celle de Pascale, elle prenait du Mediator. Mais avant de relier les faits à la cause, il y aura à Brest Irène Frachon pneumologue. On est en 2007. Une de ses patientes à un HTAP, hypertension artérielle pulmonaire comme l’explique le très qualifié Hippocrate guide et voix off de l’ouvrage. Elle s’aperçoit qu’elle prend du Mediator pour son diabète et se souvient de l’affaire de l’Isoméride, coupe-faim dangereux qui provoquait des HTAP. Les deux médicaments sont fabriqués par les laboratoires Servier. Irène va creuser le sujet mais la presse médicale ne dit rien. Un constat, car elle vit de la publicité des laboratoires sauf Prescrire, seule revue indépendante. Servier est un géant du genre mais que 26e au niveau mondial. Son patron c’est Jacques Servier qui a bâti le succès de son labo sur celui de son père Marcel qui périclitait. Il a privilégié la piste d’un traitement contre le diabète et le coupe-faim comme l’Isoméride. Irène Frachon comprend vite qu’elle a mis le nez dans une affaire qui ne sent pas bon. L’Isoméride et Mediator, même combat.

On ne présente plus Eric Giacometti dont on a lu les thrillers, journaliste d’investigation, scénariste de Largo Winch. Son écriture ramassée apporte énormément au récit. Avec Irène Frachon ils ont su avec objectivité raconter en cases et bulles tout le parcours difficile, long, pesant qui mènera à un procès retentissant mais dont la procédure d’appel peut remettre en cause les jugements. Ils ont décortiqué le mécanisme et on comprend vite que le hasard n’existe pas dans cette affaire. Tous les coups sont permis, les influences, les avocats dont le sens de l’humain est laissé de côté. Un film a été tourné sur Mediator mais la BD est édifiante remarquablement construite sur un découpage efficace de Duprat. La position des laboratoires Servier est publiée en fin d’ouvrage mais on peut penser que leur défense est à la hauteur d’une arrière-garde. Le parquet de Paris a donc fait appel. Résultats bientôt à moins qu’un pourvoi en cassation ne suive.

Mediator, Un crime chimiquement pur, Delcourt, 23,95 €

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