C’est l’un si ce n’est le plus mythique album d’Hergé. Le Lotus bleu est comme l’Amérique, le Congo, sous le signe le plus direct de l’actualité de l’époque mais c’est aussi Tchang, la Chine, Shanghai , le Japon, un colonialisme forcené, les concessions internationales, les dangers les plus mortels. Le Lotus bleu a été prépublié dans le Petit Vingtième de 1934 à 1935 sous le titre les aventures de Tintin en Extrême-Orient puis le Lotus bleu parait en album en noir et blanc en 1936 chez Casterman. C’est son aventure épique que reprend aujourd’hui la version en couleur, cinquième titre colorisé des albums parus dans les années 30 en noir et blanc. Philippe Goddin a ouvert le bal dans une préface très complète et illustrée qui s’appuie évidemment sur un contexte historique qui mènera vers la seconde guerre mondiale en Asie. Un second titre dans la lignée du Lotus est de la fête. Tchang a droit a sa biographie. L’ami d’Hergé qui fait ses premiers pas dans Le Lotus bleu était un artiste voyageur sculpteur, peintre aquarelliste. Sa fille Tchang Yifei et Dominique Maricq signent un ouvrage splendide qui fera date. Visuels Hergé / Tintinimaginatio 2024 ©

Il est en Inde Tintin chez son copain maharadjah quand commence le Lotus bleu. Comme on connait par cœur l’album on rappellera par contre que l’abbé Gossier aumônier des étudiants chinois de Belgique va aider Hergé pour qu’il ne fasse pas d’erreur dans son album. Et l’adresse à un certain Tchang Tchong-Jen. Et hop, en prime Tchang devient un personnage. Amitié entre Jaunes et Blancs, racisme à combattre, empire colonial, idées préconçues sur la Chine des Mandarins qui jettent les bébés à l’eau et envahisseur japonais impitoyable. Chinois sympas, occidentaux violents, Hergé dresse pour l’époque un réquisitoire. Un brin de folie, les Anglais dans leur concession à Shanghai, un méchant chef de la police, même si on peut réciter l’histoire par cœur la couleur lui a redonné un petit air de jeunesse ajoutant même du relief à des scènes. Hergé a soigné sa documentation, on a conservé en noir et blanc les extraits d’actualité filmée. Rastapapoulos for ever, les Dupond en action, l’opium en accès libre comme en Indochine française et où ? Au Lotus bleu bien sûr. La couverture de l’album reprend une case de l’édition originale ajustée au format.

Les Aventures de Tintin, Le Lotus bleu, Édition noir et blanc colorisée, Éditions Moulinsart / Casterman, 23 €

On passe à l’autre incontournable qui sera aussi un des piliers de cette aventure chinoise. Tchang par finalement le plus grand des hasards (voir ci-dessus) intègre la grande famille Hergé. C’est un artiste reconnu que l’on découvre dans cette biographie. Un artiste voyageur qui colle tout à fait à la saga du Lotus bleu. Sa fille avait préservé ses archives qui illustrent à merveille l’ouvrage. On aura un coup de cœur pour ses aquarelles, moins peur-être pour ses œuvres hyper réalistes. Mao l’isolera, sa vie est un roman digne d’Hergé justement. Un bon nombre de leurs échanges épistolaires sont reproduits. On peut dire sans se tromper que cette biographie est le pendant obligatoire du Lotus bleu en couleur.

Tchang Tchong-Jen, Artiste voyageur, Éditions Moulinsart / Casterman, 192 pages, 25 €