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Ô Verlaine, la fin d’un génie barré

Quand on entend le nom de Jean Teulé, quand on le lit sur une couverture, on est pris d’une irrésistible envie d’en savoir plus. Depuis Villon, en passant par Le Montespan, Charly 9, Le Magasin des suicides, Mangez le si vous voulez, à chaque fois Teulé attire et séduit, à sa façon, captive et a trouvé un ton inégalé en littérature. On se souvient aussi de L’Assiette Anglaise avec Rapp à la TV. Donc, quand Teulé est adapté en BD, lui qui connait mieux que quiconque ce média, on jubile et on s’attend à tout. Preuve en est son Ô Verlaine par Philippe Thirault au texte et Olivier Deloye au dessin, sans oublier car important les couleurs de Marie Galopin. C’est un régal complètement barré sur un pilier certes des Lettres françaises, les derniers mois de sa vie, mais des non moins hexagonaux bistrots. Verlaine qui a eu de longs sanglots n’a pas, par contre, fait dans le monotone. Il déchirait le poète et l’album en rend tous les détours acérés qui ont fini par le tuer. Sans oublier que Teulé a aussi accroché Baudelaire à son palmarès.

1895, Paris, François Coppée déteste Verlaine qui le lui rend bien. Reconnu comme un grand poète Verlaine est un danger public, alcoolique et bagarreur. A plus de 50 ans il est au bout du rouleau mais n’en finit pas de séduire ses lecteurs dont les plus jeunes. Ses livres se vendent sous le manteau et il a pris chambre dans un bordel où il est l’amant de la tenancière, Esther. Il paye en vers et se fait avoir. Il y a aussi Eugénie une redoutable. Le jeune Henri-Albert le retrouve et se met à ses ordres. Mais le petit bonhomme est un soiffard et va faire un tour chez Eugénie casser la croute. Quelques subsides arrivent pour une conférence en Angleterre. Mais ils vont être vite dépensés. Henri-Albert va découvrir Tailhade le chroniqueur et La Nuit flanquée de son boa.

Une descente aux enfers déjantée et joyeuse, Verlaine est le roi de la fée verte, l’absinthe. Il passe de la honte à la gloire dans un Paris où la révolution industrielle creuse des fossés sociaux. Même le préfet de Police est un fan. Rimbaud a été son amant. Quant à Henri-Albert sa passion pour le maître le conduira au gouffre. Comme il le dit, Verlaine n’a pas fini d’étonner son monde par son ingratitude. Teulé a brossé le portrait d’un génie qui à la fin de sa vie est une vieille bête malfaisante traversée par quelques rares moments de lucidité. Le personnage a cependant une vraie grandeur ambiguë que le dessin minimaliste de Deloye accentue à merveille.

Ô Verlaine ! Steinkis, 18 €

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