Le Chien de Dieu, Céline le damné

Qui connait vraiment Céline ? L’écrivain, ses textes, loin parfois du personnage sulfureux, antisémite, accaparé par une Allemagne nazie victorieuse et une collaboration qui fera basculer son talent vers des extrêmes coupables. Céline ne rentrera en France qu’en 1951 exilé au Danemark. Jean Dufaux en trace si ce n’est un portrait mais au moins un récit dont le docteur Louis-Ferdinand Destouches est le héros sous le crayon d’un autre magicien, Jacques Terpant. Il fallait bien ce duo pour arriver à démythifier et démythifier le cadre obscur qui entoure Céline, maître es-lettres, écrivain révolutionnaire, mystificateur. Le Chien de Dieu est un ouvrage précieux car intelligent et subtil, honnête.

Le Chien de Dieu Début des années soixante, Céline écrit Rigodon et se raconte, se souvient de l’amour de sa vie, Elisabeth Craig. Il n’oubliera jamais le bien qu’elle lui a fait. Ni 1914 le cuirassier qu’il a été chargeant sabre au clair les Allemands. Le début de ce long voyage au bout de la nuit. Céline n’aime pas Gallimard et se moque de Sagan. Bonjour tristesse pour Louis-Ferdinand qui a l’aspect d’un mendiant chassé des tables des cafés. Il est médecin Céline et malgré son caractère de chien fait des visites pour soigner les plus pauvres. Un incompris qui regrette d’avoir trop parlé. Jeune il s’encanaille avec Simenon et accepte la bisexualité d’Elisabeth. La guerre encore et puis au dispensaire un éditeur qui lui prend Le Voyage. Robert Denoël a senti le chef d’œuvre. Mais pas le Goncourt. Une rencontre fortuite, celle d’une jeune fille qui veut le cambrioler et le télescopage avec de vieux souvenirs sous la croix gammée de l’ambassadeur Abetz.

Ne retenir que Les Beaux draps ou Bagatelles pour un massacre serait terriblement réducteur. Ne pas oublier ce qu’a écrit de pitoyablement antisémite Céline est obligé. Par contre le parcours à travers l’homme qu’en propose Jean Dufaux est passionnant. Arletty, Michel Simon, La Vigue, il faut remercier Dufaux d’avoir su avec tout son talent permettre de mieux appréhender un homme qui disait « écrire comme il sent, comme dans un rêve éveillé ». Jacques Terpant mérite lui aussi pour le réalisme soigné de son dessin sa part d’hommage dans cette œuvre qui rouvre peut-être des horizons au moins d’envie de découvertes littéraires sans pour autant nier ou oublier le côté noir de Céline, écrivain damné.

Le Chien de Dieu, Futuropolis, 17 €

Le Chien de Dieu

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