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Spirou, l’espoir malgré tout, Émile Bravo poursuit son grand-œuvre

Il avait déjà en 2013 tracé le contexte de son nouveau Spirou, l’espoir malgré tout lors de son passage au Festival de Frontignan. Émile Bravo, après le succès de Spirou, journal d’un ingénu (Dupuis) paru en 2008 voulait lui donner une suite chronologique. Bravo avait précisé « Pourquoi le petit groom est devenu un héros ? Il y a l’éveil de l’enfance et il deviendra un aventurier humaniste. On s’approprie le personnage et on le replace dans un contexte réaliste ». Voilà, c’est fait. Et Spirou est reparti pour de nouvelles aventures dans lesquelles il est le jouet, parfois acteur, des évènements tragiques qui submergent la Belgique de 1940 plongée dans la Seconde Guerre Mondiale. Il y a Fantasio aussi, grand dadais assez bêta finalement, adulte un brin profiteur, niais même. Émile Bravo est parti pour une symphonie en quatre opus qui seront en quelque sorte son grand-œuvre. Il en prévoyait deux à l’époque à Frontignan. La vie quotidienne, l’exode, Spirou va-t-il rester un ingénu ? Émile Bravo sera à Quai des Bulles 2018 à Saint-Malo.

A Bruxelles en janvier 1940, on a froid. Spirou, toujours bon cœur, s’occupe de la petite Suzanne, la sœur de P’tit Louis qui joue à la guerre avec ses copains. Il n’aime pas Spirou d’autant que les gamins assomment un agent. Direction le poste où il y a un commissaire humaniste. Spirou repart avec le jeune Staf imprégné d’idéaux extrémistes. Arrivé à l’hôtel Moustic, on lui apporte une lettre de son amie, Kassandra, allemande, juive et communiste partie en Russie. Et Fantasio, en uniforme, réapparait toujours autant perché. Il veut réintégrer son journal et va leur proposer un article sur le fort d’Eben-Emael où ils cantonné. Il donne en clair les clés du fort à un envahisseur potentiel. Un confrère de Fantasio leur présente un peintre allemand, Félix, réfugié en Belgique. Il est marié à Felka. Tous les quatre sympathisent. Soudain les bombes nazies pleuvent sur Bruxelles, la guerre s’invite dans la capitale et avec elle, les troupes françaises, anglaises qui vont s’installer au Moustic. Fantasio a réussi in extrémis à s’échapper du fort où se sont posés planeurs et paras allemands.

Emile Bravo décrit en détails cette montée en puissance de la guerre à laquelle on croit plus ou moins dans une Belgique neutre. Il se passe beaucoup de choses au fil des pages, que ce soit en faits extérieurs que liés aux relations de Spirou avec ses nouveaux amis ou Fantasio. Spirou découvre l’attitude très ambiguë du clergé, comment la peur va faire fuir une population vers la France où on a fermé les frontières comme en 39 pour les Républicains espagnols. Ça ne durera pas car ces sont les Allemands qui vont se faire un plaisir de les rouvrir. On progresse dans un quotidien que subit Spirou.

Lui et Fantasio vont essayer de faire face comme ils peuvent avec de braves gens courageux, dévoués mais aussi ceux qui vont par peur ou lâcheté abdiquer. Bravo n’a pas condensé son propos. On le suit, page après page, dans sa volonté, pour des raisons personnelles, de rendre compte, de comprendre cette époque à travers ses personnages. Nazisme, antisémitisme, rafles, collaboration et Rexistes, occupation, ravitaillement, Flamands et Wallons, Spirou se déguise en petit reporter, nouveau clin d’œil à Hergé et Fantasio en zazou avant l’heure façon Zantafio. La progression est cadrée. Bravo n’improvise pas. Spirou est le fil rouge de son récit. Il va grandir, on le comprend, contraint et forcé. Il va souffrir, beaucoup. Émile Bravo l’embarque dans une aventure tragique éclairée par quelques moments de bonheur. Il part dans les Scouts mais ce n’est que le début d’une longue histoire. Émile Bravo a signé le premier volet, ou le second après l’Ingénu, d’un monument de la BD contemporaine.

Spirou, L’Espoir malgré tout, Tome 1, Dupuis, 16,50 €

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