Les Misérables, opus déjanté en Salch majeur

Le père Hugo doit faire des bons dans sa tombe. Les Misérables, ses Misérables, monument de la littérature française, adapté maintes fois au cinéma, avec Gabin, Ventura, Belmondo, Harry Baur ou Depardieu, en séries TV comme celle remarquable signée récemment par les Anglais, a été revisité aux forceps par Éric Salch. Dire qu’on fait dans le grandiose, c’est peut-être exagéré mais il n’en reste pas moins que Salch ose et gagne. Avec sa gaudriole dantesque, on reste hagard mais séduit, chancelant mais éblouit. C’est décalé, agressif, caricatural mais respectueux de l’œuvre. Certains vont détester. D’autres, et on les souhaite nombreux, apprécieront cette version superbement surréaliste par moments qui va faire voir des renards ou des rats à Jean Valjean. Le pauvre n’a pas fini d’en baver.

Les Misérables

Victor le rat est le nar-rat-eur. Oui, bon, passons. Jean Valjean se promène et a la dalle. Casser du caillou cela crée un féroce appétit. Mais la vie est aussi dure que la caillasse. Heureusement qu’il va pouvoir faire une pause chez cet alcoolique de Myriel, curé au grand cœur mas au gosier en pente. Un humble le curé qui a un joyau at home, son téléviseur grand écran. Une soupe au chou pour le bagnard à la table du corbeau à qui il raconte sa triste vie et ses erreurs de jeunesse. A se flinguer. Du coup le curé il va aller faire un tour chez les ermites montagnards qui ont de La Périgourdine mais sans vipère dans la bouteille. Une splendeur sans pomme. Au matin plus de Jeannot et plus de TV. Mais les flics lui ramènent le tout à l’abbé qui dédouane le Valjean. A condition qu’il ne fasse plus que le bien.

C’est pas gagné pour Valjean. Eric Salch est très fidèle à Hugo, sur le fond. La forme c’est un autre débat. Reiser doit rigoler. Philippe Vuillemin aussi. C’est dans leur ton. Fantine est une gourde. Cosette c’est pas mieux mais les Thénardier assurent. Sacrée Cosette, reine du balai brosse pour WC. On passe sur la suite car là où il est fort Salch, c’est que ses Misérables apportent un souffle évident mais bien crade. Si on n’est pas dépaysé par le casting, il a mis un coup de neuf déjanté sur l’action, les personnages. Il y a même les Pieds Nickelés, des anachronismes bien sûr, flirte avec le non-sens mais tient le cap Hugo. Un brin salace, Valjean a moto ressemble à Depardieu. Il tousse beaucoup le Jeannot et pourrait bien contaminer son monde. Enfin, ça le regarde et puis mourir c’est comme débrancher un grille-pain. Philosophe en plus Salch. On applaudit.

Les Misérables, Glénat, 29 €

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