Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu, Sapin témoigne

C’est un évènement éditorial inattendu. Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu, est presque le pendant à ce que Mathieu Sapin avait fait avec François Hollande à l’Élysée dans Le Château. Sauf que Gérard est plus marrant que François. Un journal de route avec Gérard Depardieu, en toute liberté, ce n’est pas un long fleuve tranquille. C’est sûrement ce qui a plu aux lecteurs qui devaient aussi espérer que Gérard allait faire du Depardieu au fil des pages. Ils n’ont pas été déçus. Sapin note, rend compte, sans analyse, brut de coffrage, révèle, témoigne et plonge au sein d’un univers certes mégalomaniaque mais qui a un vrai charme. Celui de l’outrance, de l’authentique assumé, de la spontanéité naturelle qu’on apprécie ou pas mais qu’il faut constater et prendre en compte. Si au départ on pouvait avoir un préjugé assez défavorable pour cette balade rabelaisienne, avouons que la lecture de Gérard ne laisse pas indifférent, bien au contraire, et remet bien des pendules à l’heure.

Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu

Mathieu Sapin rencontre Depardieu en 2012 et part avec lui en Azerbaïdjan. Le principe d’un livre dessiné sur l’acteur est acquis. On en cache rien, on dit tout. La mort, Poutine, Ayrault et son minable, la bouffe gargantuesque, la politique, la Russie, l’argent, Depardieu est nature. Grandeur nature car le personnage est à la hauteur de sa réputation, ingérable et finalement attachant. Depardieu en Staline sous les caméras de Fanny Ardant, Gérard à Moscou flanqué de Sapin rebaptisé Tintin, les étapes se multiplient et le monde de Depardieu se dévoile. On sent bien qu’on est souvent limite mais que Depardieu c’est un appétit qui n’est pas que de bouffe. Il dévore la vie. Il cache son jeu Depardieu et Sapin décode affection, amour, solitude. Au total le bouquin, ce n’est pas « la vie d’un connard qui ne dit que des conneries » comme le dit Depardieu. On l’aime partout ailleurs le Gérard, sauf en France. De la tristesse aussi.

Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu

Quand on ouvre Gérard, on ne le referme pas. Toute la force de Mathieu Sapin est là, avoir réussi ce que certains nommeront portrait, d’autres reportage, documentaire. Sapin, c’est Candide. Tout n’a pas dû être simple. Depardieu n’est pas un naïf. Un grand acteur qui dépasse ses rôles et a endossé le sien qui n’a pas d’équivalent et n’aurait pu être écrit. Depardieu joue-t-il son propre rôle ? Matthieu Sapin a percé le mystère Depardieu. Pas totalement peut-être. Il faut garder une part d’ombre mais au final on reste étonné de s’être laissé captivé aussi facilement par le duo Sapin-Gérard. Leur talent sûrement qui était fait pour se rencontrer.

Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu, Dargaud, 19,99 €

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