L’idée était à la fois judicieuse et un hommage largement mérité à un des plus grands maîtres de la BD. Edgar P. Jacobs est inégalé, aurait pu et dû avoir une carrière encore plus prestigieuse. Sauf que son grand talent faisait de l’ombre à d’aucuns et que Jacobs était un gentil. François Rivière qui a eu la chance de bien connaître Jacobs signe le scénario de ces histoires courtes qui sont autant d’étapes incontournables. Nostalgie : François Rivière m’a vendu mon premier album de Jacobs en 1972-73 quand il tenait la librairie de Michel Audiard à Saint-Michel à Paris, un signe). Au dessin on est séduit évidemment par le trait de Philippe Wurm. Il ne pouvait y avoir meilleur choix pour faire revivre Jacobs dans cette biographie importante, très bien travaillée et séduisante voire émouvante. Un bon choix de cadeau de Noël.
Des chapitres pour bien scander la vie de Jacobs, le premier ne pouvait que se passer au Musée du cinquantenaire en 1919 que vont arpenter de nuit Jacobs et son fidèle ami Jacques. On a déjà les futures bases de la Pyramide. On découvre aussi que Jacobs est un amoureux transi, un fou d’opéra on le savait, un rêveur qui chante, un romantique qui en 1928 se balade en campagne et à une passion pour les armures japonaises, les armes anciennes en général. Madeleine va le faire tourner en bourrique. Il y aura Léonie mais dans le style un peu léger. Il l’épouse. Il piétine Jacobs dans ces années d’avant-guerre où c’est l’opéra qui motive ses choix tout en crayonnant des décors de théâtre. Baryton sur scène et sous le crayon de Jacques. Et enfin la rencontre avec Hergé. Mais ça c’est une autre histoire et non des moindres.
En fait si on y regarde bien il y a Hergé et Martin qui viennent troubler le parcours de Jacobs. François Rivière l’évoque en détail mais on comprend aussi comment Jacobs a bâti ses chefs d’œuvre et souvent dans la douleur. Blake et Mortimer, Olrik, un trio inséparable et inspiré par son entourage comme bien d’autres de ses personnages. Il y a chez Jacobs une vraie humanité, une douceur qui exclue l’affairisme. Le reportage qu’il fait pour le Piège diabolique, la période compliquée de la guerre, ce portrait biographique est une aventure unique en lui-même. Un bijou à offrir à Noël qui peut se doubler de la version luxe, une édition spéciale en noir et blanc enrichie, photos, documents d’époque. De toute façon un album à avoir qui se lit comme un excellent roman. François Rivière a un style parfait. On le savait.
Edgar P. Jacobs, Le Rêveur d’apocalypses, Glénat, 22,50 €
Edgar P. Jacobs, Le Rêveur d’apocalypses, Édition spéciale noir & blanc, Glénat, 49,50 €
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