Un mélange intelligent et étonnant cependant, celui que fait Jean-Pierre Pécau dans L’Ombre rouge en reprenant le destin de la photographe Tina Modotti et en y ajoutant comme maître de cérémonie celui de Jorge Semprun, nettement plus connu du public français, rencontré autrefois à la Comédie du Livre à Montpellier. Le tout sur fond de communisme revu et revisité, de lutte à mort entre Staline et Trotsky. Semprun héros de BD, enquêteur, l’auteur scénariste de Z, de L’Aveu, de Section Spéciale, le résistant déporté, exclu du PC, aurait-il pu être celui que, de façon romanesque, Pécau fait suivre à la trace le parcours tragique et politique de Tina Modotti ? Ce qui est sûr c’est qu’il va falloir que bon nombre de lecteurs se rafraîchissent la mémoire sur ces personnages un brin oublié ou méconnus. Le dessin de Alejandro Gonzalez est exacerbé, tragique mais avec de belle envolées graphiques qui nourrissent bien le sujet. On se souvient que Denis Lapière et Ruben Pellejero avait déjà évoqué Tina Modotti dans l’excellent L’Impertinence d’un été en deux tomes (Dupuis).
Un vrai jeu de piste que Semprun décline. Tina sera une égérie, rencontrera Weston son amour photographe, Diego Rivera et avec lui bien sûr Frida Kahlo. Mais Tina est aussi un agent du PC soviétique dont l’amant, le fameux Vidali est le chef de réseau.On n’oublie pas Trotsky. Pécau rend hommage à travers la quête de Semprun à Tina Modotti, photographe de talent, courageuse, impliquée. Direction le Mexique où tout se jouera. Un roman d’espionnage, avec ses coups tordus, ses traîtres et manipulateurs, Pécau signe ce qui donnerait un superbe film et le dessin de Gonzalez s’impose au fil des pages. Du haut de gamme avec son suspense et des hypothèses où Semprun va comprendre pourquoi on l’a choisi. Il n’y a jamais de hasard avec les maitres espions de la Place Rouge. L’album aurait mérité une postface ou un dossier.
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