Interview: Gaëtan Brizzi de L’Enfer de Dante à Edgar Poe et Cervantes

Gaëtan Brizzi était à Montpellier à la librairie Azimuts pour L’Enfer de Dante (Éditions Daniel Maghen) qu’il a adapté en BD avec son frère Paul Brizzi. Un superbe travail en duo qui a rajeuni un classique, lui ouvrant ainsi les portes d’un nouveau lectorat . Gaëtan Brizzi est revenu avec Ligne Claire sur la conception de cette adaptation très littéraire mais aussi agréablement maîtrisée. Après Dante et Balzac pour ses Contes drolatiques (Futuropolis), Poe et Cervantes seront les prochains à rejoindre les deux frères pour deux nouveaux ouvrages qui paraitront en fin d’année. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.

Gaëtan Brizzi
Gaëtan Brizzi chez Azimuts. JLT ®

Gaëtan Brizzi, L’Enfer de Dante est une adaptation avec un côté classique au sens propre du terme de par l’ouvrage, avec un dessin qui a évolué depuis La Cavale du Docteur Destouches ou L’Écume des Jours. On pense à Gustave Doré, aux illustrateurs de la fin du XIXe siècle.

C’est bien observé. De tous les livres qu’on a fait c’est sûrement l’ouvrage le plus réaliste, le plus classique. On a voulu sur le fond comme sur la forme prendre en compte qu’on s’attaquait à une œuvre universelle très institutionnelle. La Divine Comédie de Dante est après la Bible en Italie le livre le plus célèbre. On a voulu rester dans le littéraire et nous sommes avec Paul de formation très classique. Cela devait être une BD comme le demandaient Maghen et Olivier Souillé. Nous avons souhaité que ce soit un peu plus qu’une BD. C’est pour ça qu’on ne retrouve pas les cases traditionnelles, les ballons ne claquent plus et on se sert d’effets pour passer d’une case à l’autre tout en veillant que le sens de la lecture soit respecté.

L’Enfer de Dante

Il y a de grandes planches qui font très lithographies, gravures, eau forte.

On a voulu aussi faire comme des tableaux pour marquer les changements de lieu. Les enfers c’est très spectaculaire, donner à certaines images la plus grande importance possible. Les originaux sont quatre fois plus grands que les pages et ont été exposés chez Maghen. Et effectivement on peut penser à Doré qui est la référence pour cet album.

Pourquoi avec choisi la Divine Comédie et l’Enfer ?

C’est Olivier de chez Maghen qui a fait cette proposition. Nous sommes toujours édités par Futuropolis et chez Maghen on expose des illustrations spécifiques et thématiques sans raconter d’histoire. Maghen en devenant éditeur nous a demandé de faire un livre chez lui et il aurait aimé de faire quelque chose d’aussi ambitieux que l’Enfer de Dante. On était très sceptique. On pensait que c’était infaisable et Daniel nous a dit « oui c’est vrai mais si quelqu’un peut réussir c’est vous deux ». Un défi et on a relu l’œuvre très austère. On s’est imposé le challenge. C’est très redondant comme récit avec des personnages oubliés du XIVe siècle. Pas question de trahir Dante dont on est revenu au classicisme. On a fait un Dante beaucoup plus humain par contre visuellement. Virgile, lui, ajoute parfois une pointe d’humour. Dante devait être attachant, avoir des doutes.

L'Enfer de Dante

Comment travaillez-vous tous les deux ?

Pour être simple Paul fait les personnages et moi les décors. On a toujours travaillé comme ça, même chez Disney pour les storyboards. On était les Brizzi brothers. On a fait entre autres Le Bossu de Notre-Dame, le prologue de Tarzan et surtout l’Oiseau de feu qui clôturait Fantasia 2000. Nous sommes restés 16 ans aux USA puis on est rentré en 2009. Ensuite pour des raisons familiales Paul est retourné au États-Unis. Moi je suis descendu dans le Gard. On travaille de façon très proche. Je vais aller le voir bientôt pour notre prochain livre. On écrit un scénario complet. On se partage les séquences, on échange les pages. Nous sommes très critiques sur la clarté du propos. Quand tout est verrouillé je commence les décors, je laisse des espaces et lui ajoute les personnages. Cela peut être le contraire, toujours au crayon sur papier. On travaille beaucoup les gris.

L'Enfer de Dante

Travailler à distance n’est pas compliqué ?

Non. Paul vient deux fois par an en France, moi j’y vais une fois. On échange nos pages physiquement jamais par la Poste (rires).

Autant pour La Cavale il y avait un scénariste, pour l’Écume c’est un livre illustré de l’œuvre de Vian. Autre adaptation après L’Enfer, Les Contes Drolatiques de Balzac.

Pour ce dernier album le Covid a perturbé sa sortie. On est plus caricatural dans le dessin de façon à être fidèle à l’esprit de l’auteur. C’est truculent et c’est en hommage à Rabelais que l’a fait Balzac. On a adapté quatre nouvelles. L’Enfer ouvre une collection des grands classiques et sera suivi par Don Quichotte. Cervantes écrit avec humour et cruauté. On pourra là aussi travailler la caricature.

Les Contes Drolatiques

Donc la suite de vos publications ce sera ?

Et bien pour le calendrier en novembre il y a la sortie des textes illustrés de Poe chez Futuropolis et derrière il y aura le Don Quichotte qu’on termine pour Maghen. On ne veut faire que des textes de grands auteurs, Rabelais, Shakespeare par exemple.

Les Contes Drolatiques

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