Suites algériennes 1962-2019, seconde partie et le souhait d’un futur serein

La fin de ce qui restera comme la référence concernant un duo indissociable quoiqu’on en pense, l’Algérie et la France. Avec Suites algériennes, la seconde partie, Jacques Ferrandez que l’on suit depuis ses premières planches des Carnets d’Orient ne ferme pas pour autant la boucle. On revient en 1962, on progresse au sein d’un pays qui se maltraite, se trompe, met sous tutelle son peuple, flirte avec un radicalisme qui ne demande qu’à prendre le pouvoir. Femmes et hommes en conscience, colonisation toujours épée de Damoclès mais qui est dépassée si ce n’est rappel facile qui n’explique plus rien. Il fallait bien en finir. Ferrandez ferme ses suites tragiques. Quel avenir pour l’Algérie ? Pour ses liens avec la France, et les 700 000 Algériens qui y vivent faute d’un avenir dans leur propre pays. Ferrandez raconte, ne dénonce pas et c’est là un des poids majeurs de son œuvre. Comme l’écrivain Kamel Daoud le dit dans la préface, il ne faut pas aller en Algérie pour chercher des explications, seulement des histoires.

1962-2019

1962, Indépendance bientôt, OAS qui veut garder l’Algérie française, ne pas abandonner ce pays comme l’Indochine (ce qui est une comparaison toujours décalée NDLR) on se bat encore dans l’Ouarsenis. On règle les comptes, massacres de harkis. Qui va prendre le pouvoir ? Il y a du monde au balcon. Lutte entre combattants des frontières et FLN, l’armée ne lâchera rien. Il y a aussi de la sympathie politique en 1962 pour ce jeune pays indépendant. Ben Bella, Boumediene. Et puis il y a en 1992 Paul-Yanis que l’on retrouve, journaliste à la double nationalité, père officier et mère algérienne. Pillage des ressources, corruption, mépris du peuple, l’avènement de la nouvelle Algérie ? Contact avec Mathilde qui se souvient de la villa Sésini de triste réputation, centre de torture en 1957 et qui le restera après l’indépendance. Même si Alger est la capitale du Tiers-mondisme. L’Algérie va vivre des périodes de toutes sortes, de feu, d’extrémisme avec Carlos, de soutien au génocide cambodgien. 1993, Paul-Yanis Alban veut repartir en Algérie, retrouver Nour, et redécouvrir quel a été l’histoire de l’Algérie avant 1830.

Chacun finalement trouvera ce qu’il cherche, ou pas dans ces Suites algériennes. On est par contre viscéralement attaché à l’écriture, au ressenti que Ferrandez a induit dans ses pages. Difficile, mais exemplaire, un constat objectif autant que faire se peut. Jacques Ferrandez y a mis toute sa sensibilité, son vécu et on est pris dans l’émotion profonde qu’il communique. Un très grand moment d’un passé, présent qui attend que son futur soit enfin serein.

Suites algériennes, 1962-2019, Tome 2, Casterman, 18 €

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