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Interview : Louis de Funès, le talent d’un homme discret et angoissé

Louis de Funès reste toujours présent dans le cœur des Français, un monstre sacré du cinéma. Homme discret, son enfance et sa jeunesse, son accès au succès ont été difficiles. Il y a une vraie saga De Funès, une histoire loin de l’acteur de La Grande Vadrouille ou d’Hibernatus. François Dimberton au scénario et Alexis Chabert au dessin, avec tact, précision et justesse de ton, ont choisi de raconter sa vie, celle d’un inquiet, en perpétuelle recherche de la perfection, d’un père et d’un époux attentif, d’un grand sensible. Dimberton et Chabert ont dit à Ligne Claire pourquoi ils avaient choisi De Funès et comment ils avaient bâti cette biographie passionnante. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.

Louis de Funès vous a inspiré un album bien construit et dessiné avec recherche et fraîcheur. A quand remonte ce choix de vous intéresser à lui ?

On avait envie de faire une bio ensemble. Alexis a eu l’idée de De Funès. Nous formons un couple en BD depuis Taxi Molloy et la biographie nous plaisait plus que de rester dans la fiction. Dans ce domaine Pablo pour Picasso d’Oubrerie et Birmant ou Olympe de Gouges réalisée par Catel sont des exemples superbement réussis. Dans le cas de De Funès nous voulions aller plus loin que raconter son simple parcours professionnel.

Vous avez travaillé avec la famille de De Funès ?

Non, c’est un choix. Des gens qui ont vécu une histoire ont du mal à se retrouver dans l’histoire.

Vous partez de ses parents, un couple atypique. Ils sont Espagnols. Fille d’un riche avocat qui a le roi d’Espagne pour client, elle épouse Carlos de Funès, un drôle de touche à tout qui se croit génial.

Alexis Chabert. JLT ®

Oui, et comme nous n’avions pas de photos de lui, nous lui avons donné le visage de De Funès dans Hibernatus. L’idée de raconter le parcours chaotique des parents était indispensable. Ce sont des personnages fabuleux qui expliquent ce que va être Louis de Funès pour qui son père sera un étranger. Après avoir essayé par tous les moyens les plus tordus de faire fortune, il abandonne sa famille à Paris qui va vivre dans des conditions médiocres. Il fait croire qu’il s’est suicidé.

Mais la mère de Louis de Funès saura que son mari est vivant et ira le récupérer en Amérique du Sud. Un scénario incroyable.

Mais vrai, et Louis le reverra quinze après. Dès lors l’obsession de Louis sera de ne jamais être pauvre. Il est petit, il n’a pas un physique facile. Au point que quand il passe le conseil de révision en 39 il sera par erreur réformé. Son frère sera tué au combat et il en sera marqué fortement. Pendant la guerre il va être pianiste de jazz dans un bar et rencontrera celui qui deviendra Eddie Barclay.

François Dimberton. JLT ®

Il rencontre aussi sa future femme qui, elle, est issue de l’aristocratie ?

Elle travaille dans une école de jazz, secrétaire, et il a le coup de foudre. Sa tante possède un château. De Funès était très « classe ». Sa femme sera son agent quand il devient acteur. C’est La Traversée de Paris avec les Branquignols qui sera le vrai départ de sa carrière. Mais dans La Traversée il n’est pas comique tout en prenant une place incroyable dans le film face à Bourvil et Gabin. Il y a dans ce film un côté Tarantino.

Ce sera ensuite des succès qui vont s’enchaîner.

Bien sûr comme Le Corniaud où il va y avoir une sorte de rivalité avec Bourvil. De Funès exigera plus de scènes. Dans Fantômas le film est écrit pour Jean Marais, grosse vedette à l’époque.De Funès doit servir de faire-valoir mais c’est lui qui explose à l’écran. Il ne devait même pas jouer dans le second. Puis la série des Gendarmes, Oscar, etc..

Il y avait donc du « tirage » entre les acteurs ?

Oui, Gabin et Bourvil étaient, eux, du même milieu. Gabin a été méchant avec De Funès. Un jour, De Funès lui dit qu’il a vu tous ses films et qu’il l’adorait. Gabin lui a répondu qu’il n’allait jamais voir les siens. Ne pas oublier aussi que De Funès a été un grand acteur de théâtre même si Sartre le jugeait mauvais comédien. Beaucoup de jalousie autour de De Funès, un angoissé, qui, quand il est mort, usé, était l’acteur le mieux payé de France.

Votre album bourré d’anecdotes et de détails fait 120 pages et on a l’impression que c’est court tant le rythme est soutenu.

Pourtant, on a eu peur de ne pas s’en sortir. Le travail repose sur un découpage précis, page par page, image par image, avec une description de l’image et les dialogues plus une documentation précise.

Qui va succéder à De Funès ?

Au moins pour nous, Sacha Guitry admiré par De Funès d’ailleurs. On reste chez Delcourt dans la collection Mirages. Sortie prévue milieu d’année.

Louis de Funès, une vie de folie et de grandeur, Mirages Delcourt, 16,95 €

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