Les Carnets Secrets d’André Juillard (2004-2020), une sublime symphonie

Un beau trésor que ces carnets qu’André Juillard a rempli tout au long de ses envies, de ses voyages. Des Carnets Secrets car intimes, personnels mais que désormais, dans le superbe recueil où il les a dévoilés, on peut, si il en était besoin, être ébloui par la grande diversité de son talent. Juillard se livre dans ses carnets qu’il a pris et prend plaisir à remplir de plus en plus souvent. Carnet Bleu, Rouge, Gris, à spirales, des femmes surtout, ses héroïnes ou pas, Ariane, Léna, Louise, Eve, ou celles que lui ont inspiré Degas, Kleist, des personnages selon Moebius, du crayon, et des couleurs, du noir et du blanc, des paysages, des monuments, très peu d’encre. Depuis 2006 avec Entracte préfacé par Bilal, une biographie découverte à la rencontre de la création de ses albums, André Juillard a publié bien des titres. Mais avoir le droit de se plonger avec lui dans ses carnets, comme si on les feuilletait ensemble, crée une intimité émouvante, un sentiment de confiance inégalé. Avec un André Juillard qui comme le dit Anne n’aime pas vraiment qu’on le regarde dessiner.

2004-2020

De l’émotion, d’abord, c’est le ressenti devant ses pages qui défilent et dont la préface est signée par Anne Juillard son épouse. Ses carnets, André Juillard les date, note le lieu où il les a achetés. Ce qui parfois éclaire le contenu. André Juillard ouvre de quelques d’introduction ses carnets devenus indispensables. Ingres ouvre aussi le bal en 2004 mais Ingres vu par Juillard. Newton le photographe, Watteau précédent des feuilles de calque et Ariane, Eve. Un carnet à La Hague, des paysages, colorés, Prévert Jacques et sa maison, pour mieux dériver vers un carnet noir aux origines hôtelières qui éclate près des Ramblas barcelonaises. Élégance, beauté, légère désinvolture du regard, Juillard s’envole d’un coup de crayon vers les jeux du Cirque ou ceux du stade où se promène un ballon ovale.

On fera une pause sur le carnet Acquerello d’un rare esthétisme. Couleurs de femmes, femmes en couleur aux regards troublants, curieux. Un vrai choc tant il y a de profondeur dans ces visages, ces portraits. James Joyce, Giacometti, et Lee Milller dont nous avions parlé avec chaleur avec André, muse de Man Ray, modèle, correspondante de guerre photographe. Il voulait en faire une héroïne. Un carnet Gris encore plus étonnant, Moebius voire Dali ne sont pas loin. Feuilles de couleur, pour faire une pause, sans date, des yeux à la Liz Taylor. Cahiers Ivoire, Spirales, Dell’Art, Feuilles volantes, rarement une œuvre a pu donner vie à un tel recueil. André Juillard se livre, nous délivre son art mystérieux que Vincent Odin, comme il avait fait pour Entracte a mis en musique. Une sublime symphonie en 412 pages. Le cadeau à faire à Noël.

Carnets Secrets, 2004-2020, Daniel Maghen éditions, 59 €

Carnets Secrets

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