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Interview : Aude Picault, L’Air de rien, a la tendresse mélancolique

Aude Picault a eu une année chargée. Idéal standard sélectionné pour le Prix Artémisia 2018 et puis ce recueil de ses strips publiés dans le supplément week-end de Libération, L’Air de rien (Dargaud). Aude Picault aime les tranches de vie, celles qui nous concernent tous. Elle est tendre, lucide, et a le crayon affiné. Chroniqueuse du quotidien, elle se livre pudique et sincère aussi bien dans ses dessins que dans son entretien avec ligneclaire.info à Saint-Malo. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.

Aude Picault. JLT ®

Aude Picault, au départ vous avez créés ces strips pour le supplément de Libé ?

Oui. Avec une parution tous les samedi dans le supplément. C’était une commande du journal. Ils voulaient des chroniques sociétales. J’ai proposé un ou deux strips. Ils voulaient aussi que ce soir une dessinatrice et il m’ont gardé.

On est dans des tranches de vie de personnages entre 30 et 40 ans ?

Oui les personnages sont dans cette moyenne. Parfois un peu plus.

Où trouvez-vous toutes ces idées de strips ? Difficiles qu’elles soient toutes personnelles.

Ce sont vraiment les petites choses de la vie de tous les jours. En une seule journée il peut y a voir une infinité de situations qui peuvent prêter à un strip. C’est un mélange de ce que je peux croiser moi-même, ce que j’entends, observer et plus des idées plus abstraites que je concrétise. C’est un mélange de plusieurs sources.

C’est un vrai travail journalistique, basée sur une actualité de société ?

J’aime bien ces brèves de vie, ces petits moments où on peut se retrouver.

Vous y mettez beaucoup d’humour, d’émotion voire de tristesse.

La vie n’est pas toujours gaie. Je ne maîtrise pas obligatoirement l’actualité de ce que je fais. En BD cela existe aussi ce genre de récit depuis longtemps. Regardez l’expo Lauzier.

Lauzier est plus caricatural, avec des personnages plus âgés ou arrivés. Votre vision de l’actualité est plus pointue.

Oui mais il n’y a que ça qui m’intéresse, comment on voit, comment on s’arrange avec la réalité pas toujours drôle qui parfois nous désarçonne.

Il y des couples recomposés, des enfants, les chéris, le rôle de la femme. C’est une BD plutôt féminine non ?

Je ne m’en rends pas compte car je fais autant d’hommes que de femmes. Peut être qu’en BD un point de vue féminin est encore inédit. Mais je n’ai pas de positionnement sur ce sujet.

Quelles on été les réactions des lecteurs de Libé ? Un album s’imposait ?

Je n’ai pas eu de retour vraiment. La publication Presse est éphémère car le support est amené à disparaître donc c’était génial de rassembler les strips en album. Et en plus j’étais surprise pensant que cela allait être de bric et de broc. En fait il y a un esprit qui se dégage. 

Vous avez gardé la chronologie de parution ?

J’ai essayé de garder le rythme des saisons. Je n’ai pas rajouté de strips hormis les grandes images pour faire des coupures, des respirations.

La BD classique passe après vos strips ?

Non, je trouve que l’écriture de la BD est intéressante, on peut aller plus loin, plus en profondeur. Je ne vais pas me limiter qu’à ce genre de strip.

Il y a une part de mélancolie dans vos histoires, de la tendresse.

J’ai un caractère un peu dépressif (rires). La mélancolie est aussi un bon ressort humoristique. On peut en rire et cela fait du bien.

Comment écrivez-vous vos strips ?

En fait c’est variable. Je peux avoir la fin et donc je travaille pour savoir comment je vais amener mon strip à cette chute. Je peux aussi avoir une situation de départ qui m’amuse sans avoir la fin. En général j’ai une idée globale mais l’important est d’avoir une idée de chute à la première ligne du strip qui relance la suite. Et donc c’est un casse-tête chinois, un domino pour enchaîner de façon à ce que chaque bulle soit essentielle. Il y a des caps plus difficiles que d’autres et des strips qui m’on échappé. C’est très exigeant mais pas frustrant.

Vous êtes un peu voyeuse ?

Un peu, mais curieuse surtout. Je suis intéressé par le monde qui m’entoure, par les gens en général.

Et maintenant ?

J’ai repris une chronique pour la matinale du monde.fr. Un format très exigeant avec un dessinateur par jour qui doit trouver un thème, une ligne directrice. J’ai sorti deux albums en un an. Pour l’instant j’ai accepté des boulots de commande en dessin animé, je suis un élément de l’équipe. Cela me permet d’alterner avant de faire un nouvel album, j’ai besoin de réfléchir et puis il y a la matinale pour six mois.

Quel est votre lectorat ?

Il est de tous les âges et pas vraiment des très jeunes.

Intergénérationnel ?

Je préfère ça. Je me pose pas mal de questions en dessinant. La tendresse mélancolique, ça me va bien. Vous pouvez garder la formule.

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