Albums

Hypothèse 1492, Toppi réinvente Colomb

Sergio Toppi est l’un de ces rares monuments qui ont bâti le 9e Art. Disparu en 2012, il fait partie avec Pratt des grands maîtres italiens, l’un des plus subtils utilisateurs impénitents du noir et blanc. Les éditions Mosquito et Toppi sont unis depuis des années. En publiant Hypothèse 1492, uchronie à la fois savoureuse et cynique sur la découverte de l’Amérique, Mosquito dévoile une fresque à la fois grandiose et un huis-clos réduit à une poignée de personnages dont un curieux volatile blagueur. (Ce texte a aussi paru dans le numéro de Z00 de juillet 2018). Par Jean-Laurent TRUC.

Coulées la Nina, la Pinta, la Santa-Maria, réduits à néant les espoirs de l’Infant Henri de savoir ce qu’il y a au bout de l’océan qui baigne le Portugal. Les Indes avec Cathay bien sûr ou un gouffre innommable ? Un grand voyage dont le seul survivant se retrouve sur une plage perdue des Caraïbes à discuter avec un vautour, Zemi-Tawani, un piaf à bec crochu qui se la joue grandiose, mémoire vivante du seigneur de l’île. De quoi douter de tout mais bon, l’étranger ne perd pas le nord, prend possession du territoire ce dont se moquent totalement les locaux. Comme ils ont bon fond, ils le soignent mais le tiennent à l’écart. Ses histoires sont un brin décousues. Il parle d’or, de richesses, ce dont ses sauveurs se moquent totalement.

Magistral et malicieux

Une variation satirique sur des valeurs non partagées, une histoire à morale inversée, Toppi remet en perspective ce qu’aurait pu être la découverte de l’Amérique, réinvente Colomb. Un retour à la case départ. Il y a maldonne pour le naufragé solitaire qui vit dans un monde dont ses sauveurs indiens sont totalement déconnectés, philosophes prudents aux richesses poétiques. L’or qui brille attire la convoitise. Pas la leur. Un dessin qui est à chaque trait inspiré, réaliste, envoûtant, sans lyrisme inutile et travaillé au petit point. On est avec Hypothèse 1492 sur du Toppi magistral, éclatant. Et malicieux.

Hypothèse 1492, par Sergio Toppi, 64 pages noir et blanc, Mosquito, 14 €

Partager

Articles récents

Mardival, la bête n’est pas morte

Un conte et légende moyenâgeux , avec une jeune héroïne, une bête qui mange les…

4 mai 2024

Habemus bastard, après lui le déluge

Il y a eu au cinéma Léon Morin prêtre avec Belmondo qu'on aurait bien vu…

4 mai 2024

Interview : Hervé Bourhis d’Infractus à American Parano

Il a du cœur Hervé Bourhis et le sien lui a joué un mauvais tour…

3 mai 2024

Bon voyage ? Un Latécoère avec Manini et Chevereau aux commandes

Toujours un plaisir de retrouver Michel Chevereau au dessin et Jack Manini au scénario pour…

3 mai 2024

Marcel Pagnol, avec César on boucle la trilogie marseillaise

On peut remercier Grand Angle d'avoir su avec talent porter en BD l’œuvre enchantée de…

2 mai 2024

Nuages, aller au bout de ses rêves

Il voulait faire comme l'oiseau, disait Fugain, voler mais de quelle façon ? Depuis l'enfance,…

2 mai 2024