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Pepe Carvalho, le tatoué anonyme

Il est le précurseur du polar en Espagne. Manuel Vázquez Montalbán est à Barcelone ce que Donna Leon est à Venise, un auteur dont le héros est désormais identifié à la ville dans laquelle il exerce ses talents d’enquêteurs. Brunetti, c’est Venise. Pepe Carvalho, lui, c’est donc Barcelone. Pour cette adaptation il fallait garder le ton si particulier des romans et le profil d’un héros atypique, un politique devenu agent double de la CIA puis privé dans la grande ville catalane. Il a un bon fond Pepe, pas bégueule et un esprit tordu à souhait capable de résister aux pires affaires dans lesquelles il s’embarque. Ce qui va être le cas de ce cadavre anonyme qui inaugure le tome 1 de cette nouvelle série sous la plume et le pinceau de deux auteurs espagnols, normal. Hernán Migoya est scénariste et Bartolomé Segui le dessinateur à qui on trouvera pour le trait un petit air d’Ana Mirallès, ce qui est un compliment.

Un cadavre qui flotte au bord de la plage porte un drôle de tatouage sur le dos, « né pour révolutionner l’enfer ». Son visage a servi de quatre heures aux poissons. Impossible de l’identifier. Carvalho est embauché par le patron d’un salon de coiffure, Ramon, pour trouver l’identité du tatoué contre une belle somme. Pepe lance ses indicateurs sur l’affaire tout en gardant une sérénité à toute épreuve et sa passion pour la cuisine. Don Evaristo, un vieux tatoueur lui donne quelques pistes. Comme sa copine Charo qui va faire le tour de ses amies prostituées. Un tatouage pareil ça se remarque. Pepe part en Hollande d’où pourrait venir le cadavre. Mais son arrivée dérange la police locale et la CIA à qui Pepe demande un coup de main en mémoire du bon vieux temps. Petit à petit, le profil du tatoué se dessine et le nom aussi. Sauf que Pepe a mis son nez là où il ne fallait pas. Ce qui pourrait lui coûter cher.

On est dans un polar de haute volée car Montalban est un superbe écrivain. Il était peut-être à redouter que son talent ne soit pas retranscrit dans cette adaptation. Ce qui n’est pas le cas bien au contraire. Pepe se parle beaucoup à lui seul. L’art était d’adapter sans surcharge un découpage qui colle, ce qu’a su faire Migoya. On adopte le personnage, on le suit, on comprend son fonctionnement assez intellectuel comme d’ailleurs ses enquêtes peaufinées, hors cadre. Les débuts de Carvalho sont efficaces, attachants car le personnage se prête aux sentiments. Donner un visage sur papier à Pepe Carvalho demandait à tous les niveaux un gros travail préparatoire, de synthèse, pour ne pas décevoir ses fans. En y ajoutant le dessin de Bartolomé Segui vraiment superbe, on a un album qui ne trahit pas Montalban, donne envie au contraire de se replonger aussi dans ses romans.

Pepe Carvalho, Tome 1, Tatouage, Dargaud, 14,99 €

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