Rhapsodie en bleu, unique et éclatant

C’est un titre qui est aussi celui d’une œuvre majeure de l’un des plus grands compositeurs américains Georges Gershwin. Rhapsodie en bleu est désormais celui d’un album unique au charme et à la puissance évocatrice incomparable signé par Andrea Serio. Y’a-t-il un lien ? Peut-être à travers le roman Ci sarebbe bastato de Silvia Cuttin inédit en France que Serio a librement adapté. L’Amérique est la destination d’évasion vitale pour Andrea Goldstein, un jeune juif italien parti de son pays à cause des lois raciales fascistes en 1938 promulguées par Mussolini. ​On se retrouvera donc à New York, comme Gershwin, avec Andrea Goldstein pris au piège d’un retour au pays pour cause de guerre. Une dénonciation à la foi subtile et violente du racisme, de l’antisémitisme à travers le destin authentique d’Andrea et de sa famille sur des pages au charme et au talent graphique qui en font autant de tableaux évocateurs, émouvants et éclatants.

Rhapsodie en bleu

En décembre 1944, Andrea est à bord du paquebot qui l’amène se battre en Europe. Un GI’s comme bien d’autres sur un océan bleu, dernier moment de calme avant la tempête de feu qui les attend. En 1938, Andrea est dans son pays l’Italie, celle de Mussolini, du fascisme. Mais sa vie avec sa famille est encore insouciante, celles d’adolescents au bord de la mer encore, la grande bleue. Quand tombent les lois anti-juives, « À dater du jour du 15 octobre 1938, Victor Emmanuel III, par la grâce de Dieu et par la volonté de la nation, roi d’Italie, empereur d’Éthiopie, ayant entendu le Conseil des ministres, décrète que tous les enseignants de race juive seront suspendus de leur service, et ne pourront être inscrits les élèves de race juive. Sont considérées comme de race juive les personnes nées de parents tous deux de race juive, quand bien même elles professeraient une autre religion que la religion juive. » Le Duce a rejoint son maître nazi. Le racisme est à son comble en Italie sous le ciel bleu de Trieste. Les parents d’Andrea décident d’envoyer leurs enfants, Andrea et Madga en Amérique chez leur tante. En 1939 ils quittent l’Italie qu’Andrea, devenu américain et qui s’est engagé, retrouve à Naples en décembre 1944 comme infirmier militaire.

Rhapsodie en bleu

On pense inévitablement à Mattotti en détaillant l’œuvre superbe de Serio, ce qui est un compliment. La narration est effectivement une rhapsodie avec son côté épique mais aussi contemplatif, pétri d’une simplicité si bien servie qu’elle en est d’autant plus efficace pour attaquer les démons d’une époque pas si révolue. Les paysages, les ambiances, les détails des visages, toute la progression narrative fait de cet album un très grand moment de BD, plus même, d’art tout court, de peinture d’un très haut et beau niveau.

Rhapsodie en bleu, Futuropolis, 21 €

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