Les Exilés de Mosseheim, tous des réfugiés en puissance

Une centrale atomique française qui fait boum, près de Strasbourg et de la frontière allemande, une grande partie du territoire contaminé, des évacuations en masse et des camps de réfugiés en Suède, pour les accueillir, Sylvain Runberg scénariste de talent et Olivier Truc, romancier à succès, grand reporter (tous deux sont amis et habitent à Stockholm) ont bâti un thriller qui fait froid dans le dos car tout à fait crédible. Les Exilés de Mosseheim est un diptyque qui à la fois pose clairement le problème du danger potentiel du nucléaire (de Tchernobyl à Three Mile Island ou Fukushima) mais aussi du devenir des populations de réfugiés, de leur destination et cette fois pour des Européens sans rapport avec Afrique ou Moyen-Orient. Une BD d’action très bien soutenue par le dessin de Julien Carette, largement documenté, très réaliste sans excès, aux personnages forts mais qui ne peut en aucun cas ne pas susciter angoisse et réflexion lucide. Cela n’arrive pas qu’aux autres et les nuages de particules ne s’arrêtent pas aux frontières. Nous sommes tous des réfugiés en puissance.

Réfugiés nucléaires

A Mulhouse de nos jours en mai, Christophe menuisier reconverti dans la restauration fête sa première étoile avec ses enfants et ses amis. Thib son fils lui reproche d’être très dur avec sa mère Sandra qui annonce à son mari par téléphone qu’elle le quitte. Au même moment à la centrale nucléaire proche de chez eux les alarmes retentissent. Une explosion et le ciel est envahi de cendres qui pleuvent sur le sol. Sandra qui a compris hurle au téléphone qu’ils doivent s’enfermer, la centrale a explosé. Mi-juin à la frontière suédoise, des cars remplis de réfugiés français sont acheminés par Abri sans Frontières. Christophe et sa famille en font partie. Contrôles sanitaires, pas de mélange avec les évacués allemands frontaliers de l’Alsace, des hangars avec des emplacements délimités, Thib fait un malaise et on va lui faire des tests supplémentaires. Sandra est furieuse, son mari a compris que désormais ils étaient des réfugiés. Comme tout situation critique génère des profiteurs en puissance, la société Start-Up City met les ONG au pied du mur. Ils vont embaucher des réfugiés à leurs conditions médiocres, main d’œuvre à bon marché. De plus il semble que ce serait un attentat islamiste qui aurait touché la centrale.

Les Exilés de Mosseheim

Du suspense, de la politique manipulatrice, des victimes ballotées, des envies de privilèges, une haine ravivée entre Français et Allemands, une enquête où rien n’est aussi simple qu’il y parait, des témoins qui en savent plus qu’on ne croit, les deux scénaristes font monter la sauce, baladent astucieusement le lecteur et le surprennent. La famille de Christophe accusé de lâcheté et de Sandra la battante sont au centre des débats. Le rôle des ONG que connait bien Olivier Truc est bien mis en évidence sauf que les cartes dans ce cas sont redistribuées. On a oublié qu’en 1945 des millions de personnes « déplacées » étaient des réfugiés dont l’accueil dans certains pays n’a pas été des plus simples et que en 2015 la Suède a été en première ligne pour recevoir près de 160 000 réfugiés syriens ou afghans, qualifiée de catastrophe migratoire. Un excellent album qui pour une fois parmi les multiples sorties de cette rentrée se distingue sur tous les plans. On va attendre avec impatience le suite et fin avec le tome 2.

Les Exilés de Mosseheim, Tome 1, Réfugiés nucléaires, Dupuis, 21,95 €

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