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Julie Birmant et Clément Oubrerie, la révolution Picasso avec Pablo 3

Les débuts d’un génie, la jeunesse de Picasso à Paris au début du XXe siècle, Julie Birmant et Clément Oubrerie au dessin en sont au tome 3, Matisse, de Pablo (Dargaud) qui vient de sortir. Ils étaient de passage à Montpellier chez Sauramps. Rencontre et échanges croisés pour Ligne Claire en toute décontraction.

Picasso au bout de son voyage en Catalogne

La passion de Julie et la pertinence de Clément. Julie Birmant continue à adapter les mémoires de Fernande Olivier, premier amour fou de Picasso. Pablo a été largement et justement récompensé. Travail d’écriture, de complicité artistique, de création graphique, de découverte, de compréhension d’un mythe, Julie Birmant et Clément Oubrerie ont mis en commun leurs talents avec cette touche brillante qui y ajoute sa lumière. Dans Matisse, tome 3 de Pablo, Picasso part en Espagne, se retire avec Fernande dans un village perdu de Catalogne, défie Dieu, décide que l’art est moderne. Pablo est au premier tournant de sa vie. Et non le moindre. Matisse sera aussi le catalyseur des angoisses du peintre de Guernica.

JB : C’est vrai que c’est un tournant pour Pablo en 1906. Dans le tome précédent il était dans une impasse, incapable de peindre le portrait de Gertrude Stein. Ce qu’il arrivera à faire après sa virée espagnole. On y sent déjà la rivalité qui va opposer Matisse à Picasso. Il poursuit son utopie, invente à sa façon l’art moderne. Le choc viendra du tableau le Bain Turc d’Ingres, sa sensualité.

CO : Cela reste une étape parmi d’autres. La vie de Picasso n’est qu’une succession d’étapes. Il y passe son temps.

JB : Pablo prend conscience qu’il faut qu’il trouve autre chose, qu’il invente au lieu d’être dans l’existant. Donc il part à l’escalade de l’art moderne. D’où ce voyage lointain dans ce village perdu où il faut huit heures à dos de mulet pour arriver. Il veut concurrencer Dieu. Et il le pensait vraiment.

Pablo crée, invente. On est avant la guerre de 14. Comme le dit Clément Oubrerie le terrain est vierge. Il a un pinceau et une toile pour tout bagage. Picasso et ses amis sont maîtres du jeu. Il y a aussi cette prise de conscience que l’art peut se révolutionner. Ils sont aussi à l’origine des mouvements qui verront le jour après la grande guerre.

CO : D’une base conventionnelle ce jeune homme de 19 ans quand il arrive à Paris va finir par changer l’art qui devient moderne. Il n’a de cesse d’enlever, de dépouiller sa peinture.

Julie Birmant et Clément Oubrerie. JLT ®

JB : C’est en 1908 avec Les Demoiselles d’Avignon que ce fait la bascule, on le verra. Le cubisme est né, il y a une vraie rupture. Les cinq femmes qui sont sur le tableau sont des prostituées. On crie au scandale, oser montrer un bordel. Quatre ans plus tard, on le verra dans le prochain tome, c’est la fin de Montmartre, de l’amitié avec Apollinaire.

CO : Picasso ne s’est jamais laissé enfermer. Il a toujours fait ce qu’il a voulu aussi bien en 1908 que plus tard. J’ai une affection particulière pour lui. La première exposition que j’ai vue c’est à Venise, j’avais sept ans et c’était Picasso.

JB : Il avait terriblement conscience de son génie. Avec Les Demoiselles d’Avignon il frise le désespoir devant les réactions. Mais c’est lui contre le monde entier. Matisse a creusé son sillon, il est devenu reconnu, plus bourgeois. C’est un peu de cette façon que Picasso voit Matisse. Les Stein, grands collectionneurs, vont se fâcher et prendre parti, le premier pour Matisse, le second pour Picasso. Matisse a peint assez tard et avait besoin de reconnaissance sociale.

Julie Birmant. JLT ®
Clément Oubrerie a apporté sa verve et sa force au dessin de Pablo. JLT ®
Pour Pablo 3, Clément Oubrerie et Julie Birmant en dédicace chez Sauramps par un samedi montpelliérain pluvieux. JLT ®
Entretien croisé, avec Pablo pour invité. Sidney Truc ®

Il y aura un quatrième et dernier album. Julie Birmant en a déjà écrit la moitié mais pas dit qu’elle ait assez de place. Clément Oubrerie propose d’augmenter le nombre de pages de l’album. Noter aussi le superbe travail de la coloriste Sandra Desmazières. Et une planche d’Oubrerie la page 75, Picasso est un phare qui voit tout. Oubrerie s’est inspiré de deux auto-portraits de l’artiste. Un regret, Pablo c’est aussi une histoire d’amour entre le peintre et Fernande. On l’oublie un peu. Ensuite, après Pablo, Julie Birmant et Clément Oubrerie ont un autre projet ensemble. Le titre a peut-être déjà été trouvé à Montpellier, Adieu je vais à la gloire. Une odyssée au début des années vingt. Un petit air de danse peut-être. On n’en saura pas plus.

Pablo, Tome 3, Matisse, Dargaud, 16,95 €

Pablo devient Picasso sous le crayon d’Oubrerie
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