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Mitterrand et ses ombres, un Belphégor insatiable

Il restera peut-être comme le président français le plus mystérieux. Insaisissable, manipulateur, brillant, séducteur, François Mitterrand a à la fois été un des piliers majeurs de l’univers politique tout en jouant à Belphégor, voire au traître de série B, avec un seul but, être le premier des Français, le premier de tous, unique et divin. L’album Mitterrand et ses ombres ne refait pas l’Histoire mais au contraire la remet en perspective. Le début des années cinquante peut paraître lointain à beaucoup de lecteurs. Erreur car c’est à ce moment que Mitterrand s’envole, devient plus ou moins indissociable des péripéties de la IVe puis de le Ve République. Il sait bondir tel un félin sur toutes les occasions ou proies qui peuvent le servir et Patrick Rotman (La Veille du grand soir 1968) au scénario, Jeanne Puchol (Interférences) au dessin décortiquent le système Mitterrand. On redécouvre des affaires qui ont suivi celles de la guerre, de Vichy, et précéderont celles de ses septennats. Insatiable, il ira jusqu’au bout d’un destin d’exception mais en y mettant le prix.

1994, c’est le chant du cygne pour François Mitterrand, malade et affaibli. Il va devoir partir mais avant, on sculpte son buste. Une journaliste a passé un marché avec lui. Elle va l’interviewer sur des affaires que l’on a occultées, lui le premier, mais rien ne pourra être publié avant 25 ans. Mais pour bien comprendre le parcours de l’homme d’état, il veut remonter à mai 1954, la France a été battue, humiliée au Vietnam avec la chute de Dien-Bien-Phu. Une erreur stratégique monumentale. On s’agite et surtout on est à deux doigts d’envoyer le contingent en Indochine jusque là tenue par des soldats de métier. Françoise Giroud à l’Express ( une grande dame du journalisme) JJSS, Mendès France qui est en embuscade pour devenir président du conseil (on ne dit pas premier ministre), D’Astier gaulliste de gauche, on a des infos et on joue aux chaises musicales. Et Mitterrand tire quelques ficelles. Des documents secrets se baladent et on magouille à tour de bras. Mitterrand se retrouvera au gouvernement où il s’impose à l’Intérieur.

On passe sur l’homme à femmes. Tous dans le métier on le savait mais motus jusqu’à Mazarine et c’est lui qui décide. Même avec certaines de ses proches ministres ou chanteuses connues. Affaire des fuites, celle du bazooka et de l’attentat très bizarre contre lui de l’Observatoire, Patrick Rotman a enquêté et synthétisé ces faits et méfaits au plus haut niveau de l’état. On se plonge à sa suite comme dans un thriller sauf que tout est vrai. Il y aura aussi les seconds couteaux et non des moindres. Debré, Salan, Roland Dumas et on en passe. De Gaulle le bloquera. Il faudra quand même attendre 1981 pour que la technique Mitterrand paye alors qu’on le disait fini. Il y est arrivé. Un sphinx que Jeanne Puchol fait revivre d’un trait et dans des scènes remarquables de réalisme. A lire et à méditer sur le prix du pouvoir.

Mitterrand et ses ombres, Delcourt, 17,95 €

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