Le Chant des Asturies, les prémices oubliés d’une guerre mythique

Pour un lecteur français même féru de grande Histoire, la Guerre d’Espagne se résume au coup d’état de Franco, sa victoire contre la République abandonnée par les démocraties, l’aide des nazis et des fascistes, et enfin la Retirada qui a vu arriver dans le sud de la France les Espagnols anti-franquistes en février 1939. Vichy se fera un plaisir d’en livrer un bon nombre aux Allemands en 40. Avec Le Chant des Asturies d’Alfonzo Zapico (Café Budapest) on a une chance incomparable, celle de revenir au départ de ce qui deviendra cette Guerre d’Espagne, découvrir, comprendre ce que va être la Commune des Asturies, la République alors que l’Espagne d’aujourd’hui ne se cache pas d’une nostalgie retrouvée pour le franquisme. Un ouvrage important, politique, qui plus est parfaitement construit, écrit, dessiné. Un Zola ou un Dickens espagnol qui est une fresque incontournable où l’Europe entière se retrouve au pied du mur. Alfonso Zapico devrait être à la prochaine Comédie du Livre à Montpellier.

Le Chant des Asturies

L’Espagne se bat au Maroc en 1909, grève populaire de 1917, l’armée au pouvoir, la République est proclamée en 1931. Mais le sang coule. 1932, révolution anarchiste en Catalogne, les tragédies s’accumulent, 1933 Hitler est au pouvoir. A Madrid, à Noël, Tristan fumeur suicidaire retourne dans le Nord, en Asturies, chez son père le très riche marquis de Montecorvo. Tristan est au bout de sa jeune vie, désabusé. Son ami Ordonez le récupère à la gare. Direction le journal local La Noticia. Tristan sait que le journal est en guerre contre les amis de son père et on va lui demander d’intervenir pour lever une amende. Se battre pour le monde ouvrier c’est aussi affronter la compagnie minière du père de Tristan. La solidarité ouvrière va agir. Au fond de la mine, Apolonio est un des leaders. Alors que des ouvriers cherchent des armes pour se révolter. Et surtout de la dynamite stockée dans la mine. Les dirigeants de la mine écrasent toute tentative sociale.

Il ne faut surtout pas déconnecter Le Chant des Asturies de son contexte politique, du combat vital qu’il porte. Certes la narration a ses héros, des personnages marqués, ses amours mais on n’est pas dans un feuilleton. On est dans la réalité certes en partie romanesque.  Le marquis, son fils, les sbires du pouvoir sont des cibles et des bourreaux. La reconstitution de cet épisode inconnu est bouleversant, passionnant, nécessaire. On n’en est qu’au tome 1, plus de 200 pages qui se dévorent et font réfléchir sur les grands mouvements sociaux et leur échec. Le tome 2 parait en juin. Quatre sont prévus.

Le Chant des Asturies, Tome 1, Futuropolis, 26 €

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