Le Rapport de Brodeck, Manu Larcenet bouleversant créateur

Manu Larcenet adapte Philippe Claudel. Le Rapport de Brodeck est l’une des œuvres maîtresses de cet universitaire, romancier, réalisateur (Les Âmes grises). Et l’une des ses histoires les plus sombres voire complexes alors que le récit, linéaire, et l’intrigue donnent la fausse impression de la simplicité. Brodeck est un survivant et un témoin, un narrateur contraint et forcé sur lequel pèse le poids du danger et ses souvenirs de mort. Manu Larcenet a investi Le Rapport de Brodeck avec son dessin et son esprit, certes fidèle à Claudel mais empreint de sa liberté créatrice. L’auteur de Blast est une fois encore passé à autre chose, apportant tout son talent et sa fougue à ce rapport dont il a fait une nouvelle œuvre, entière et singulière.

Le Rapport de Brodeck Brodeck vit dans les bois avec sa femme et ses enfants. Il est revenu de déportation, dénoncé par ceux qui aujourd’hui lui demande de raconter le destin de l’étranger de passage qu’ils ont tué. Brodeck ne se pose pas de questions et accepte, soumis, seul capable d’aligner les mots dans un rapport destiné à la grande ville pour les dédouaner. Brodeck veille sur la forêt et soigne sa femme devenue folle. L’étranger, affable et convivial, posait-il trop de questions ? Il notait des détails sur les paysages, les gens. A l’auberge on l’a tué. Brodeck a peur car il sait que seul son récit peut le sauver ou au moins le protéger.

Manu Larcenet se livre dans Brodeck. Les camps de la mort sont le théâtre ignoble dans lequel Brodeck a accepté malgré lui le pire. Des traits noirs et sombres sur l’étendue neigeuse où vit Brodeck après la guerre, les monstres SS aux faces de golem, de terreur, Larcenet portraitise aussi les personnages, en détails souvent, visages à mi chemin entre victimes du goulag ou de Dachau. Il n’y aura pas de rédemption. Il faut suivre pas à pas Brodeck dans la neige. On ne peut en revenir intact, pris aux tripes et bouleversé. Il y aura un second tome.

Le Rapport de Brodeck, Tome 1, L’autre, Dargaud, 22,50 €

L'autre

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