Rappelle-toi ces belles années, l’horreur écrase la mort

Une histoire qui n’est que trop vraie, avec la guerre de 14 comme décor sanglant pour des familles qui vont vivre l’horreur, des hommes qui auront honte d’être devenus des monstres horribles au physique éclaté par les obus. Rappelle-toi ces belles années est le premier album de Julien Langlais qui montre un vrai talent et une réelle sensibilité, un trait déjà affirmé. Célestin, Mathilde, 1918 la guerre pourrait finir mais elle tue encore par milliers. Célestin pris au piège de la mort qui rode va se sentir responsable des angoisses et des peurs qu’il inflige aux siens. Alors qu’il est bien sûr innocent mais tentera de ne se souvenir que des bons moments, les seuls dont il veut que sa famille garde la mémoire.

Rappelle-toi ces belles années

Une fois de plus en 1918, le train emporte les permissionnaires vers le front. Célestin quitte Mathilde et ne manquera pas le train du retour. Dans les tranchées on meurt, amis, ennemis, on tente de sauver les copains blessés. On se souvient des amis morts et puis on est touché. On garde dans la main une photo, se femme, son enfant. L’hôpital, impossible de parler, et Célestin se souvient. L’amour de Mathilde, une poupée faite par son copain Benoit. La guerre commence, Célestin cauchemarde, on boit des verres en permission. Et on remonte à l’assaut. Il n’a jamais voulu ça Célestin. On l’ a obligé à aller faire la guerre mais lui il se sent coupable. Il est un des nouveaux pensionnaires de l’hôpital de campagne. Il entend les cloches et le tocsin de 1914. Gueules cassée, insupportable.

Pour avoir eu la chance de côtoyer pendant 20 ans et aimer mon grand-père (très jeune quand je suis né) qui avait fait Verdun, gazé, le crâne enfoncé à coups de crosse, je n’ai pas souvenir qu’il ait eu honte ou peur de l’image que les siens, ma mère, ma grand-mère avaient de lui. Il ne se sentait pas responsable, ni glorieux, embarqué au moins au début fier d’aller faire à 19 ans une guerre patriotique. C’est sûrement à nos yeux très difficile à comprendre aujourd’hui. Comme le télégramme de Clemenceau envoyé à mon arrière-grand-père pour la mort de mon grand oncle à 20 ans : sincères félicitations patriotiques. Ensuite c’était une autre histoire, l’assaut, la baïonnette, le premier mort, la boue, la folie d’une boucherie sans nom. Ils ne parlaient pas ou peu, sautaient une génération pour témoigner. L’album de Julien Langlais est un très beau moment de sensibilité, d’amour, pas de honte mais de remord d’imposer la vision horrible d’un visage déchiqueté à ceux qu’on aime. Voilà, il y a de l’émotion dans mes propos comme beaucoup dans les pages touchantes de Langlais.

Rappelle-toi ces belles années, Soleil, 15,95 €

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