Du Chabouté dans le texte, ou dans le silence tant le trait parle, crie, interpelle. Il nous croque des histoires courtes bourrées de sens dans ses Fables Amères T2, Détails futiles. Le premier tome était sorti en 2010. Des cas et des tracas, des gens qui sont dans un quotidien pas toujours drôle. Christophe Chabouté décline ce qu’on nomme des tranches de vie désorientées ou banales, bancales, à double sens selon l’angle de vue, le cadrage. Tendre et douce amère, la vie n’est pas toujours un bocal de confiture.
Jeanne d’Arc n’en a pas demandé autant. Les nazillons lui tendent le bras pendant qu’un borgne déverse sa haine face à son public de tout ce qui est autre, noir, juif, arabe. Ils sont quatre au crâne rasé et au QI d’huitre, enfin de la coquille d’huitre. Mais dangereux ces demeurés nazillons. Vive les canettes et la violence. Mépris pour les immigrés sauf que quand il flotte et que la seule voiture qui s’arrête pour le prendre en stop est conduite par un maghrébin, il fait quoi la chemise noire ? Le fascisme pragmatique. Et puis il y a un abruti, un roi de la varappe, du dénivelé qui tue, de l’Himalaya par la face nord. Le sommet à plus de 5000, une broutille comme il l’explique à son copain. Quand il arrive chez lui, dans le hall, il engueule la concierge. L’ascenseur est en panne et il habite au 3e étage. Ras le bol l’alpiniste. Un grand moment aussi ce brave type qui tores nu se lave devant les palmiers d’une plage lointaine. Il se rhabille lentement. Les palmiers sont là. Pourtant il met un bonnet, un anorak. La caméra recule. Surprise mais chut.
Un petit fait banal en diable, Chabouté détourne la sauce, la pimente, la malaxe et la vision change. Le type qui ne se lève pas quand on chante la Marseillaise, le crétin accro au smartphone qui se prend un panneau dans la poire, le lecteur honteux qui se cache dans sa banlieue pour lire l’Île au Trésor, Chabouté rend compte d’une vérité qui souvent émeut, touche et interpelle. Onze scènes inattendues mais si vraies, ces Fables sont autant de repères d’un monde où finalement il y a comme un gros malaise. Inspiré comme d’habitude Chabouté.
Fables amères, Tome 2, Détails futiles, Vents d’Ouest, 13,90 €
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