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Couleurs de l’incendie, Pierre Lemaitre a réinventé le feuilleton littéraire que De Metter a mis en images

Pour tous les inconditionnels de Pierre Lemaitre déjà accros à son œuvre depuis sa trilogie Verhoeven, le Goncourt reçu en 2013 pour le roman d’exception qu’est Au revoir là-haut a été un vrai bonheur. Rarement un titre gratifié de ce prix honorable n’avait vraiment récompensé une œuvre digne de Dumas ou des plus grands feuilletonistes du XIXe siècle mâtiné du talent d’un jongleur génial dont les mots sont les balles enchantées. Lemaitre a donné, on l’a dit, tout son sens au roman, haut en couleur, picaresque. Il sculpte ses mots, en fait des délices que l’on déguste en souhaitant que jamais ils ne cessent de noircir les pages. Christian De Metter a adapté Au revoir là-haut en BD. Aujourd’hui c’est le tome 2 de la trilogie, Couleurs de l’incendie que De Metter met en images alors même que sort en librairie le dernier volume de cette époustouflante saga, Miroir de nos peines. J-L. T.

Il est mort le père de Péricourt, défiguré dans les tranchées et qui s’est suicidé. Le grand banquier Marcel Péricourt laisse une fortune considérable dont devrait hériter son petit-fils Paul. Le jour des obsèques l’enfant tombe par la fenêtre. Il sera à jamais cloué sur un fauteuil roulant. Comment ou pourquoi un tel drame a pu se produire ? Sa mère Madeleine Péricourt est proche de son fondé de pouvoir, Gustave Joubert fou d’aviation, qui gère sa fortune. Léonce est sa secrétaire. André Delcourt le précepteur de Paul a des grandes prétentions journalistiques. Son oncle Charles, un politicien tortueux, a des soucis financiers. Joubert pourrait l’aider d’autant que le testament du vieux banquier ne le favorise pas. Il y a aussi un coffre, hors succession, dont le contenu pourrait bien aider les manœuvres de certains. Tous les pions sont sur l’échiquier, la partie peut commencer.

Pas la peine d’aller plus avant. Lemaitre décrit un jeu sans pitié d’ambitions, de calculs, d’arrogance et de caste, d’un milieu finalement très actuel mais dans les années trente, celui de l’argent. Et puis Lemaitre sort son joker, Madeleine la mère de Paul. La nunuche effacée va mordre. Impossible d’en dire plus. Tout avec Lemaitre est dans la surprise mais peaufinée, la force de l’histoire sans failles, sans erreurs, forte et impressionnante, noire à souhait. De Metter plus peut-être que pour Au revoir là-haut, a pris à bras le corps le texte et a su se l’approprier tour en le respectant et le fait pétiller par son découpage et ses choix.

Lemaitre avec le dernier panneau de sa trilogie, Miroir de nos peines, amène ses héros à la drôle de guerre. Une petite fille croisée dans Au revoir là-haut, faiseuse de masques, se retrouve prise au piège dans un drame que juin 40 va remettre en perspective. Idem pour un brave troufion de la ligne Maginot lui aussi embarqué dans une aventure qui le dépasse. Pierre Lemaitre a réinventé le feuilleton, genre qu’il aime et qu’il revendique. En y apportant la magie et le talent du littéraire qu’il est. Il faut le lire et tant mieux si les adaptations en BD, celles de De Metter ou de Corboz pour Brigade Verhoeven donnent envie de se plonger dans ses incomparables romans.

Couleurs de l’incendie, Rue de Sèvres, 24 €

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