Sous le soleil de minuit, Corto Maltese de retour avec Pellejero et Canales qui seront en dédicace chez Azimuts à Montpellier le 26 novembre

Il est de retour après une si longue absence. On espérait et on n’y croyait plus. Corto Maltese reprend du service. On en rêvait mais il était urgent d’attendre. C’est un duo qui a pris le risque de succéder à Pratt, au moins dans l’esprit, et de redonner vie à un Corto très personnel. Avec panache, Rubén Pellejero et Juan Díaz Canales ont amené Corto Maltese faire un tour Sous le soleil de minuit (Casterman) qui sort le 30 septembre. Les deux auteurs seront à Montpellier pour une rencontre-dédicace exceptionnelle à la librairie Azimuts le 26 novembre. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC. Lire aussi l’interview complète des auteurs sur cultureBD.

Corto MalteseAprès la mort de son créateur Hugo Pratt, il se réveille d’un long sommeil, le fils d’une gitane andalouse et d’un marin anglais. Avec Raspoutine il arpente le Grand Nord canadien et sauve la vie de son vieux complice en le réchauffant de drôle façon. Un sale caractère le « Rasp » qui aboutit avec Corto à San Francisco en 1915, pendant l’exposition universelle. On passe alors à la suite, ou au vrai début, de cette aventure. Jack London va investir son ami d’une mission de confiance, remettre en main propre à une jeune femme une lettre personnelle. Waka Yamada, ancienne prostituée se bat contre la traite des blanches. Pour Corto, London a laissé un cadeau dans sa cabane du Canada. Début d’un long chemin neigeux où Corto va croiser Inuits, aventuriers, expéditions et savant espion du Kaiser. Une pléiade de personnages plus riches en couleur les uns que les autres même sur fond de neige. Il y aura aussi une réincarnation esquimau de Robespierre adepte de la guillotine dans les glaces du Nord et des indépendantistes irlandais.

Sous le soleil de minuitIl faut garder tout le suspense de cet album. Sous le soleil de minuit fait un bon poids dans la saga de Corto Maltese. Canales raconte comment il a accepté la reprise : « Il y avait déjà un court synopsis de Luca Romani qui se passait en 1915, juste après La ballade de la Mer salée. Chronologiquement, c’était parfait. Patricia Zanotti, qui gère les droits de Pratt, m’a demandé si cela me tentait de reprendre Corto. J’ai accepté bien sûr et demandé à Rubén Pellejero de m’accompagner dans l’aventure. Il avait le dessin idéal ». Pellejero a su trouver le trait juste : « Ma plus grande difficulté a été de définir quelle image de Pratt choisir, quelle direction emprunter, sans être obsédé. J’ai fait mon Corto avec mon idée du personnage. Après j’ai étudié le dessin de Pratt. Je suis revenu par exemple sur les premières planches déjà dessinées. Je voulais rester proche d’un univers épuré plus qu’être fidèle au trait ».

De l’aventure grand format qui parfois manquent d’un léger trait d’union d’une séquence à l’autre ou de souplesse. Canales a choisi aussi des personnages historiques : « J’adore mélanger réalité et fiction. L’Alaska, le Grand Nord, Pratt en raffolait. Comme le désert ou l’océan. C’est aussi la dernière frontière. On y trouvait encore des cultures presque paléolithiques que la civilisation va détruire ». Canales a voulu rester proche d’un Corto pas vraiment écolo mais témoin d’un monde qui disparaît victime de l’industrialisation. « Corto porte des valeurs en lui sous un faux air de dilettante. Il est contre le racisme. Le côté idéologique du personnage m’a toujours plu ». Canales a écrit son Maltese à sa façon, sans « imiter. Rédiger a été plus long que dessiner. J’ai écrit le scénario complet dans lequel il y avait un descriptif du caractère de chaque personnage, sans clins d’œil sauf un à la fin mais c’est aux lecteurs de le découvrir ».

Ruben Pellejero et Juan Díaz Canales
Pellejero et Canales rencontrés pour Corto et qui seront en novembre à Montpellier. JLT ®

Au total il serait de mauvais goût de pinailler. C’est du sérieux, du travaillé, du peaufiné. Le rythme est soutenu, les décors ciselés. On n’a pas bâclé le sujet très carré. Rubén Pellejero est un dessinateur généreux et inspiré. Les couleurs n’ont pas absorbé le noir du trait. Juan Díaz Canales connaît la musique et a joué une partition sans fausses notes. Avec aussi pour objectif atteint que l’album puisse se lire sans qu’on ait jamais déjà plongé dans un Corto de Pratt.

Comme le dit avec recul Canales : « Corto nous survivra et à d’autres aussi. Je respecte Pratt mais ce n’est pas un monstre sacré. Il a été par contre très généreux de permettre qu’on reprenne Corto ». Il y aura donc une suite à la reprise. Pour l’instant Raspoutine est « gardé au chaud » par les auteurs. Où se passera l’action ? « Allez savoir », susurre du bout des lèvres Canales. Et il y aura des femmes ? « Pourquoi pas mais on respectera les codes de Pratt dont par exemple l’absence de nudité ou de chronologie », conclue Pellejero. L’avenir de Corto est entre les mains de ses lecteurs.

Corto Maltese, Sous le soleil de minuit, Casterman, 88 pages couleur, 16 €
Édition noir et blanc 24×32 cm, 96 pages, 25 €
Édition de luxe, 120 pages, édition limitée, 150 €

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