La Chambre des officiers, le courage de vivre

Le livre a été un best-seller. La Chambre des officiers de Marc Dugain est un hommage de l’auteur à son grand-père, ancien combattant de 14-18, défiguré par un obus. On les a appelés les gueules cassées et leurs destins, leurs vies ont été une succession de souffrances morales, physiques, marqués à jamais dans leur chair, faisant souvent figures de monstres dont on évitait le regard. En adaptant en BD ce roman, Philippe Charlot au scénario, Alain Grand au dessin montre le long combat que vont affronter bien après les tranchées avec un courage inouï ces blessés de la face et de la tête. Et aussi paradoxalement les progrès que la médecine réparatrice va faire face à ces blessures inimaginables. A chaque guerre, la médecine contrainte et forcée, invente, progresse et sauve de plus en plus de vies. Aujourd’hui toujours et et encore. Cet album a été réalisé avec le concours du Service de Santé des armées et l’École du Val-de-Grâce dont on ne dira jamais assez les grandes qualités médicales, humaines, leur abnégation sur les champs de bataille au péril de leurs vies pour sauver celles de leurs frères d’arme.

La Chambre des officiers

Le lieutenant Adrien Fournier commande un détachement de reconnaissance. La grande guerre commence par une salve d’obus qui va tuer ses hommes, le blesser grièvement. Quand il se réveille le chirurgien décrit par le détail son visage éclaté, plus de nez, de bouche, une bouillie. Il aurait mieux valu qu’il meure. Mais les médecins ne vont pas renoncer et Fournier est dirigé vers le Val-de-Grâce où il le premier à être hospitalisé dans la chambre des officiers blessés de la face. Pas de miroirs, des grilles aux fenêtres pour éviter les suicides. Il va devoir tout réapprendre Fournier, manger, boire avec des instruments et il se souvient de son départ à la guerre, sa rencontre avec la jolie Clémence, leur brève liaison. Maintenant il souffre, fait peur à son meilleur ami, a menti à sa famille sur ses blessures. Les opérations s’enchaînent, on reconstruit Adrien qui se lève, rencontre un ministre imbécile et finit par affronter la réalité d’une glace qui lui renvoie la vérité. Il est au bord du gouffre et pourtant résiste.

La Chambre des officiers

Il va y avoir les copains, ou ceux qui vont le devenir, qui vont partager peine et douleur, le pilote défiguré, le cavalier borgne à la bouche bloquée sans menton, la jeune infirmière du front au visage mutilé. Ils s’aideront, passeront des années dans les hôpitaux, se soutiendront à jamais unis même si parfois ils dérangent, témoins dans leur chair des horreurs de la guerre. La Chambre des officiers est un remarquable témoignage. La BD est restée très proche du roman avec des extraits de textes qui scandent les chapitres. Des soldats blessés comme Adrien Fournier il y en a encore de nos jours. Le dessin est réaliste sans outrance. Horreur et humour, envie de vivre aussi qui est une bonne thérapie. Ce ne sera pas pourtant la der des ders. La Chambre des officiers (le film qui en a été tiré est excellent) est une leçon sans pareille d’humilité et de grandeur d’âme. A mon grand-père Fernand qui a bercé ma jeunesse, au crâne enfoncé par les crosses allemandes en 1916, blessé de la face, à mon grand-oncle le professeur Émile Jeanbrau qui réussit la première transfusion sanguine en octobre 1914.

La Chambre des officiers, Grand Angle – JC Lattès, 16,90 €

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