Gisèle Halimi l’insoumise, avec Marko à BD Plage Sète 2023

Gisèle Halimi est un repère pour toute une génération, pour ceux qui ont vécu au minimum la seconde partie du XXe siècle, les autres aussi mais qui n’ont pas, si ce n’est partagé, mais au moins suivi ses luttes exemplaires, courageuses et sans la moindre concession. L’album que lui consacre Marko au dessin qui sera à BD Plage Sète les 26 et 27 août, écrit par Jean-Yves Le Naour dont on connait les qualités d’historien, est un vrai moment de vérité, de retrouvailles et d’émotion. Cette biographie montre l’honnêteté sans compromis d’une femme qui demeure un symbole à l’image de Simone Veil. Elle se battra sur tous les fronts en tant que femme, pour la justice et finalement pour son pays la France, elle la petite juive séfarade née en Tunisie, la « tune », affrontera toutes les haines (encore aujourd’hui bien que décédée en 2020), risquera sa vie, les mépris et le rejet sans jamais renoncer. Un album qui en plus replace avec précisions la France dans son contexte historique, guerre d’Algérie comprise, Ve République ou Mitterrand à l’Élysée.

Avocate pour changer le monde

1927 à la Goulette en Tunisie, Gisèle Halimi née avec un père qui aurait voulu un garçon mais l’adorera, une mère religieuse et comprend vite dès l’enfance ont un droit, celui de se taire, faire des enfants et être soumise à l’homme. Mais c’est quand même le bonheur avec ses boucles d’or. A quatre ans elle devient française parce que son père, juif berbère, se fait naturaliser. Sa mère fille de rabbin ne lui sourit jamais, priorité aux fils. Elle s’était mariée à 15 ans et répondait à Gisèle que jamais une femme ne pourrait être avocate ou présidente. Elle fera tout pour ne pas ressembler à sa mère, refuse de servir les hommes, fait la grève de la faim. Du caractère déjà elle en a Gisèle. Quant à Dieu elle n’y croit pas vraiment, test à l’appui.

Elle sera avocate et indépendante., découvre les luttes coloniales en Tunisie qui est un protectorat. Elle lit mais (parenthèse) se retrouvera mariée à 16 ans bien qu’elle veuille faire des études. 1940, la défaite, Gisèle résiste déjà, en 1942 les Allemands arrivent en Tunisie. Puis c’est la Libération et le départ pour la France. Racisme, antisémitisme, la Sorbonne, Assas, elle découvre que pour une femme la liberté à toujours un prix. Enceinte, avortement, le barreau et elle prête serment tout en commençant à dire tout haut ce qu’elle pense. Des affaires banales, un mariage avec Paul Halimi, des enfants, travailler et gérer la maison. Mais en 1952 sa vie bascule. La Tunisie veut l’indépendance et elle va gérer l’assassinat de trois gendarmes, défendre leurs présumés meurtriers.

La saga Halimi ne fait que commencer. La guerre d’Algérie est sur le point d’éclater. Gisèle Halimi qui va devenir aussi l’amie de Bourguiba, se retrouve en première ligne après les massacres d’El Halia en 1954 près de Philippeville. A elle la défense, et les menaces, les insultes, la pute du FLN. On va la retrouver sur bien d’autres fronts, amie de Simone de Beauvoir, de Sartre, de Mitterrand. Elle sera retenue en prison en Algérie par l’armée. Le MLF en 1970, l’IVG et le manifeste des 343 françaises, la loi Veil, la défense des femmes violées et enfin la politique. Gisèle Halimi l’insoumise aura une vie unique, une combattante permanente qui a a eu pour dernier message de ne jamais baisser la garde. Une femme honorable dont la place serait à juste titre au Panthéon. Un album à lire et à méditer sur un dessin de Marko qui lui va très bien.

Gisèle Halimi l’insoumise, Avocate pour changer le monde, DunodGraphic, 18,90 €

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