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T’Zée, drame africain classique

Appollo et Brüno ont signé le requiem finalement et malheureusement d’une rare banalité désespérante de ce qu’est l’Afrique en particulier francophone depuis son indépendance. Dans T’Zée, fin des années 90, un dictateur se retrouve en prison, son entourage planqué dans son palais. Un régime à l’agonie où chacun tire les marrons du feu. De Idi Amin Dada à Bokassa au sacre où ont accouru tous les chefs d’état européens, Lumumba et Tshombé, Bongo, Kadhafi dans un autre registre, Biya au Cameroun toujours là, l’Afrique est soumis à ces indéboulonnables au moins un certain temps, amis de la France et sur les fredaines sanglantes desquels on ferme pudiquement les yeux avant que tout ne tourne au massacre. Et au Mali au fait ? On prendra T’Zée à deux niveaux, un exercice de style, une démonstration et surtout un rappel à l’ordre romanesque. Quant au drame en lui-même, avec ses cinq actes et ses héros sacrifiés d’avance sur l’autel du monstre, il est d’un classicisme total. Le dessin de Brüno est brillant, très porteur d’émotion froide et entière.

Le palais de T’Zée où son fils Hippolyte se planque, on suppute sur les chances de s’en tire. T’Zée qui a été mis en prison par les rebelles a fait construire son palais sur un île qui devait apporter un renouveau économique à son pays. Mais rien n’est venu. La guerre entre factions rivales, des rebelles, l’armée qui pille. La femme de T’Zée, Bobbi, jeune et jolie va consulter le sorcier Ndoki. Elle veut avoir qui elle aime vraiment. Elle a succédé à Mama Maréchale première épouse de T’Zée et vit sur l’île, déteste Hippolyte. Enfants soldats, politiciens véreux, corruption, le pays a sombré dans le chaos. Mercenaires de l’Est et garde présidentielle sont le dernier rempart alors que tous pillent le pays. Politique de la terre brûlée, T’Zée a choisi. Bobbi a une copine Angeline à qui elle en dit trop. On apprend que T’Zée a été tué. Les fauves sont lâchés. Comment s’en sortir ? Hippolyte et son copain libanais Walid envisagent de fuir en tirant dans le tas. Arissi, leur amie, fille d’un héros de l’indépendance assassiné par T’Zée va les aider à trouver une solution.

On garde le suspense de ce drame qui va là où il ne peut qu’aller. Le déroulé est imparable et les évènements repris au fil de l’album, les retours en arrière sont presque prévisibles. C’est là qu’on comprend qu’Appollo vise juste, n’en rajoute pas. On règle les comptes, nettoyage au passage par le vide. Les destins sont pris au piège. Reste la partie Cid qui apporte aussi sa touche au débat. La bonne question est : l’Afrique pourra-t-elle un jour en finir avec sa tragédie perpétuelle ?

T’Zée, Une tragédie africaine, Dargaud, 22,50 €

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