Journal inquiet d’Istanbul Tome 2, exil pour survivre

La suite de ce qu’est la vie quotidienne en Turquie de nos jours vue par un auteur de BD connu, Ersin Karabulut caricaturiste de presse turc dont on a annoncé, chroniqué déjà les ouvrages comme Contes ordinaires d’une société résignée ou Jusqu’ici tout allait bien. Et bien sûr le tome 1 de Journal inquiet d’Istanbul. Sous l’emprise totalitaire d’Erdogan, la Turquie dont on parle peu, sur laquelle les démocraties européennes ont un silence assourdissant est toujours le théâtre d’une dictature morale et religieuse. Karabulut raconte son histoire et celle de son pays de 2007 à 2017, un témoignage rare.

Il arrive aux USA en 2017 Ersin pour se mettre au vert, quitter un pays où il se sent en danger et où il vit dans la peur, l’angoisse. L’immigration US lui accorde six mois de séjour car selon l’officier ses dessins ne sont pas mauvais. Mais avant comment en-est-il arrivé là ? Il y a toujours eu en Turquie une tradition BD, humour et politique. Ersin a commencé jeune et ses dessins ont rapidement été publiés. En 2000 il devient populaire mais ses parents n’apprécient pas. Il s’installe dans un quartier branché d’Istanbul, avec d’autres dessinateurs et finissent par créer leur hebdo. Qui marche fort dès le départ. Uykusuz, (insomniaque) va se classer en tête de ces hebdos turcs. Ersin s’associe avec des copains. Installation, concurrence, gérer les confrères, l’imprimeur, la distribution. Il se souvient aussi de ses débuts, des choix de ses dessins, devient peu à peu le rédac chef de son hebdo et faire travailler des dessinateurs, respecter les délais ce n’est pas de la tarte. Arrive aussi le moment où Erdogan devient la cible favorite de l’hebdo mais pas simple la réflexion. Charia dans le pays, Erdogan le sauveur d’une Turquie religieuse ? Le renouveau de l’empire ottoman ? L’AKP parti d’Erdogan prône le retour aux traditions.

Pris au piège Ersin de sa sincérité, de son courage, de son combat face à une grande partie de la population qui vénère Erdogan. La police qui interdit les terrasses des cafés, la lutte pour éviter que le parc Gezi de Taksim soit rasé (premier échec d’Erdogan face à la mobilisation), la Turquie est malgré la force de sa jeunesse sous dictature. Coup d’état militaire manqué, Ersin prend fait et cause ce qui n’est pas sans risques. Un album qui raconte avec humour, vérité, sans pause, émotion la vie d’Ersin qui se bat pour une liberté confisquée mais il lui faudra quand même aller faire un tour ailleurs pour réapprendre à vivre, à supporter. Un second tome sincère et bouleversant. Un dessin très riche qui le caractérise ou caricature et réalisme s’associent pour le meilleur. A Zeynep en souvenir de Strasbourg.

Journal inquiet d’Istanbul, Tome 2, 2007-2017, Éditions Dargaud, 25 €

Dédicace d'Ersin Karabulut

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