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Qin Opera, un bijou coup de foudre

C’est comme un coup de foudre, une histoire d’amour qui vous tombe dessus sans prévenir, imprévisible et totale. Qin Opéra, c’est l’exemple type de l’irraisonné, de la vague déferlante qui submerge, tsunami sur lequel on glisse emporté par la beauté, la poésie de cet objet dont toute la force artistique resplendit aussi dans sa forme atypique de dépliant, de tapisserie en accordéon de vingt mètres de long. Li Zhiwu et la cinéaste Men Xiaoyan ont adapté le roman Qin Opera de l’écrivain Jia Pingwa. La traductrice en est Marie Laureillard qui a aussi participé à l’adaptation française avec Laurent Mélikian, Frédéric Fourreau. Le fond vaut la forme évidemment. Yinsheng a un faible pour Bai Xue étoile de l’opéra de Qin, l’image et les scènes se déroulent soulignées par les textes, la narration tel un kaléidoscope magique.

Il a un soucis Zhang Yinsheng. Sa belle Bai Xue va épouser Xia Feng. La famille Bai a tout perdu en 1949. Il y aura un opéra de Qin au théâtre pour la noce. Bai Xue est la chanteuse de Qin du village chinois de Qingfengjie. Mais cela tourne mal et le secrétaire du parti prend une chaussure sur la tête. Xia Tianyi fustige le public. Tout rentre dans l’ordre et le lendemain Yinsheng va au verger. Mais ses ennuis ne font que commencer dans ce village dont Zhang raconte le quotidien, une chronique dure que l’opéra perturbe et finira par être presque oublié dans un monde en changement mais bien replacé dans le contexte politique rural de la Chine d’aujourd’hui.

La forme même du libre, dessins sur textes permet une lecture attentive. Après Des Assassins, œuvre majeure, Patayo Éditions poursuit son remarquable travail de découvreur, de pionnier avec ce choix d’adapter et de traduire pour la première fois au monde l’œuvre Qin Opéra en un laporello accordéon. L’art rejoint le sujet, on l’a dit. Tout est parfait, subtil. Accès facile, intelligent, manipulable, Qin Opera est un bijou de beau papier au dessin touchant dans son écrin qu’il serait de bon goût d’offrir pour Noël. Impossible d’y rester insensible.

Enfin, comme on peut le découvrir en cherchant un peu (car totalement inconnu au moins pour le plus grand nombre en France), l’opéra de Qin est originaire de la province du Shaanxi en Chine. Tradition vieille de plusieurs centaines d’années, il s’inscrit dans les histoires locales. Cet opéra est joué dans les villages en plein air, notamment au moment des rites de passages, les mariages, les funérailles. Souvent chanté en dialecte, il est remarquable par ses sonorités brutes et rappeuses ainsi que par l’esthétique des joueurs dits de « visages peints ». Les chanteurs ont leurs visages maquillés avec des couleurs vives, notamment le rose pour les femmes qui a inspiré la couverture de l’œuvre. Ces maquillages peuvent également être reproduits sur des demi-calebasses et vendus pour servir d’objets décoratifs. On appelle cela des louches peintes. A découvrir absolument.

Qin Opéra, Patayo Éditions, 35 €

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