Comics

Monstres, Barry Windsor-Smith pour une fresque impressionnante

Des morceaux comme ce Monstres, c’est rare. Barry Windsor-Smith auteur reconnu, a signé un monument, sorte de testament graphique qui à la fois dérange et séduit. Comment le jeune Bobby Bailey en est-il arrivé à devenir un phénomène tout puissant, horrible, incongru et dangereux ? Comment la science maléfique des hommes en noir du Reich nazi a-t-elle pu exercer ses talents ignobles sur le sol même des USA avec l’aval du gouvernement ? Comment enfin la vérité peut-elle éclater alors que tout est fait pour que les témoins disparaissent ? Rester insensible à cet opéra carnassier et grandiose, gore et picaresque est impossible. On est pris aux tripes, malmené, baladé par un thriller onirique, le récit, le dessin incroyable de Barry Windsor-Smith sur 364 pages. On est aussi ému, touché par la tristesse latente qui s’échappe de ce roman où la folie destructrice des hommes est sans pitié, folle et perverse.

Un père qui bat et défigure son jeune fils, un monstre rentré de la guerre en Europe et quinze ans plus tard, Bobby Bailey veut entrer dans l’armée. Plus de famille, borgne, sans attaches, sans le savoir il a le profil parfait pour intégrer un programme secret, Prométhée. Recruté par le sergent McFarland, Bobby est pris en charge par le major Roth, un type sans le moindre sentiment, une ordure. Mais le sergent a des regrets. Bobby est entre les mains d’un officier américain d’origine allemande exfiltré à la fin de la guerre. Il a emporté avec lui tous les secrets des expérimentations nazis pour créer de surhommes. Le colonel Friedrich a pris Bobby dans ses filets et va en faire une créature abominable. Il faut aussi éliminer le sergent qui en sait trop et dont la femme a des doutes sur sa santé mentale alors que ses propres enfants semblent être touchés psychologiquement.

Tout dérape très vite. On a ceux qui acceptent et ceux qui refusent quitte à y laisser leur vie. Mais le pire est la violence qui s’abat d’abord sur Bobby enfant victime d’un père maléfique puis pris au piège de Friedrich. Textes et images s’alternent pour expliquer, conforter le scénario. Des monstres qui donnent vie à d’autres monstres. La mère de Bobby est le catalyseur. On a une œuvre littéraire au meilleur sens du terme, exigeante. Deux familles sont la toile de fond de Monstres. La mort va mener la danse. On pense à Hulk aussi. Incomparable.

Monstres, Delcourt, 34,95 €

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