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Yallah Bye, un Liban qui n’en finit pas de souffrir

Il y a des sujets qui dérangent, des sujets qui montrent combien il est facile pour les bonnes consciences occidentales d’oublier, de passer à autre chose, une fois l’émotion diluée par une actualité qui ne cesse de se déplacer. La situation au Liban en est un exemple. Qui se souvient encore que le Liban n’a jamais cessé d’être en guerre depuis 1975 ? Invasions diverses, Palestiniens, forces d’interpositions, morts Français, massacres, le Liban, pris en tenailles par des forces qui lui sont souvent étrangères, ce pays que l’on surnommait la Suisse du Moyen-Orient, et où les religions cohabitaient, n’en finit pas de souffrir. Dans Yallah Bye, Joseph Safieddine, franco-libanais et scénariste, et KyungEun Park, Coréen, raconte le destin chaotique d’une famille française aux racines libanaises. Elle sera prise au piège des évènements de 2006.

Quand ils décident d’aller passer leurs vacances au sud Liban, à Tyr, les El Chatawi, franco-libanais, ne se doutent pas un instant que c’est vers la guerre qu’ils partent accompagnés de leurs enfants. Seul le fils ainé, Gabriel, est resté en France. A Tyr, même si un incident vient d’impliquer l’armée israélienne et le Hezbollah, on a l’habitude. Anna, l’épouse de Mustapha El Chatawi aimerait bien contacter l’ambassade. Refus de son mari, réfugié en France et frustré de n’avoir pu prendre vraiment part aux combats quand il était jeune. Les bombardements s’intensifient. Tyr est cerné. C’est désormais la guerre et El Chatawi veut absolument rester sur place, sa façon à lui de se sentir solidaire malgré les risques qu’il fait courir aux siens et l’angoisse de son fils resté à Paris.

La force de cet album réside dans l’impact qu’il a sur le lecteur. On est au Liban avec ces Libanais admirables, flegmatiques, témoins innocents de la folie des autres, victimes pourtant désignées à l’horreur au quotidien. On a envie d’envoyer des baffes à Mustapha qui veut s’impliquer à la fois par remords et par patriotisme dans une guerre qui le dépasse. C’est toute l’histoire de ce petit pays pris en otage que raconte avec une grande tendresse, humour aussi, Joseph Safieddine et KyungEun Park dont le dessin coloré et grave valide le scénario, intime et humain. Beaucoup de tristesse dans cet album qu’il faut lire pour non seulement comprendre mais surtout ne pas oublier.

Yallah Bye, Le Lombard, 20,50 €

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