Un Travail comme un autre, à contre-courant

L’époque, les lieux, on a tendance à rapprocher « Un Travail comme un autre » de Virginia Reeves du bouquin de Steinbeck, le génial « Les Raisins de la colère ». Et pourtant avec Virginia Reeves, qui a écrit ce roman superbement adapté par Alex W. Inker en BD, ce sont deux œuvres qui ont peu de rapport entre elles si ce n’est de très belles qualités d’écriture. Avec Reeves, on part sur les traces d’un homme qui devient fermier contraint et forcé au début des années trente alors qu’il ne vit que pour la nouvelle fée électricité qui l’a envoutée, une magie qui fait ses débuts dans cette Amérique profonde défavorisée. « On naît avec quelque chose dans les veines, pour mon père, c’était le charbon, pour Marie, c’est la ferme, pour moi un puissant courant électrique. » Voilà comme Roscoe T. Martin, le héros se résume et avec lui son couple. Sauf qu’il va y avoir un gros court-circuit dont il n’est pas près de se remettre. Parution décalée au 27 mai 2020.

Un Travail comme un autre

Début ces années 20 en Alabama, 1920, Roscoe T. Martin rencontre la jeune Marie à qui il confie qu’il ne jure que par Faraday, par cette électricité qui apporte son lot de progrès et lui a donné un métier. Il épouse pourtant Marie qui a une ferme où il devient, contraint et forcé, agriculteur. Le couple a un enfant, vit dans la pauvreté, s’endette jusqu’au jour où Roscoe fait un générateur amateur, détourne la ligne électrique de l’Alabama Power qui passe près de chez lui. Il va pouvoir mécaniser ses engins agricoles. Tout irait bien si la compagnie n’envoyait pas un technicien voir ce qui se passe. Court-circuit, il brûle vif sur le pylône érigé par Roscoe. Jugement, prison, trente ans de pénitencier et une vie pour Roscoe qui s’annonce pas électrique du tout. Mais détenu modèle dans un environnement violent et cruel, Roscoe va tenter de survivre.

Un Travail comme un autre

D’un enfer à l’autre, de la ferme à une cellule entourée de tueurs, de gardiens pervers, on suit un homme qui à la fois croit sincèrement dans ce qu’apporte le progrès et se retrouve confronté à une société digne du XIXe siècle, racisme en prime, qui va en faire une victime à double titre même si il est coupable. Un roman et donc une BD sociale, un parcours en forme de boucle, à contre-courant, qui ramènera Roscoe là où il est parti mais revenu de toutes ses illusions. Alex W. Inker (Servir le peuple nominé à Angoulême et pour le Prix de la Critique) a adopté avec talent le texte. Il le sert par son dessin qui détaille chaque scène, apporte aux personnages leur relief, leur ressenti et leur violence ou chagrin. Un album qui a un incroyable potentiel émotionnel.

Un Travail comme un autre, Éditions Sarbacane, 28 €

Un Travail comme un autre

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