Dans l’ombre, Édouard Philippe et Gilles Boyer racontent politique et apparatchik

Édouard Philippe, ancien Premier Ministre, et Gilles Boyer député européen ont signé en commun un roman, Dans l’ombre, qui plongeait dans le monde très fermé des faiseurs de rois, de ceux qui vont consacrer leur vie plus ou moins anonymement à leur passion la politique et tout mettre en œuvre pour que leur « patron » devienne calife grand ou petit. C’est vrai que les deux hommes connaissent bien le milieu tout en se défendant d’avoir été inspirés à 100 % par des personnages existants. Un peu quand même. Sauf que ce qu’ils racontent est du grand cru plausible si ce n’est du déjà vu. Leur livre a été adapté par Philippe Pealez (Ceux qui n’existaient plus), scénariste de plus en plus en pointe, talentueux et qui réussit à coller en pages dessinées aux centaines de pages écrites du roman. Au dessin de cette immersion en eaux profondes et parfois troubles, il y a Cédrick Le Bihan découvert avec Mulo et quelques pépites chez Fluide dont le jubilatoire Ganglion et fils. Une mise en situation de ce qu’est hier comme aujourd’hui la politique sans scrupules et qui se déconnecte de plus en plus des électeurs.

Dans l’ombre

Il est un apparatchik, celui qui vit dans l’ombre du politique, l’oreille parfois le cerveau, le bras toujours. Celui qui parle a un candidat à la Présidence, le Patron, à protéger alors que du même parti Marie-France Trémeau (Garaud ? candidate en 1981) voulait aussi y aller. Jusqu’à un vote des membres du parti, une primaire qui de justesse l’a évincée. Son apparatchik à elle c’est Jean Texier, un redoutable. Et la bombe éclate. Un jeune assistant tout neuf mais fils de ministre, Louis Caligny qui ne supporte pas d’être appelé Mon petit par l’apparatchik du Patron reçoit un message : Pinguet sait qui a truqué la primaire mais il est mort. Embarras car Pinguet c’est un sénateur toujours bien vivant, pas son fils par contre. L’attachée de presse s’inquiète. Va falloir creuser le sujet et au passage trouver un nouveau surnom pour Louis. Il sera Winston. Quant à l’apparatchik il s’interroge, pas au courant d’une fraude ce qui ne veut pas dire qu’elle n’ait pas eu lieu. Réunion de spécialistes et Louis en parle à son oncle, un redoutable mais discret. Ah la famille.

La politique autrement ça n’existe pas, à méditer dans le texte. Louis fait ses classes et ira loin, on le sent. L’enquête pour savoir si il y a eu truquage des votes pourrait bien être à double tranchant. Édouard Philippe et Gilles Boyer aiment le polar. C’en est un avec une galerie de personnages qu’on a souvent rencontré en tant d’années de journalisme, au niveau local ou national. Les petits ont des ambitions à la hauteur de celles de leurs patrons. L’apparatchik donne les clés, les règles du jeu, tordues mais elles lui échappent. Le Bayrou du moment tente sa chance. Réfléchir pour un apparatchik c’est désobéir. Vaste programme. Un régal cet excellent bouquin qui sera aussi adapté en série TV et lève un voile sans tricher sur les us et coutumes de nos politiques. Mais après tout on n’a jamais que ceux qu’on mérite.

Dans l’ombre, JC Lattès – Grand Angle, 18,90 €

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